lundi 24 janvier 2011

LE MOINE ET LE PHILOSOPHE - Jean-François Revel & Matthieu Ricard (1999)

Résumé:
Après un début prometteur de carrière scientifique, Matthieu Ricard s'est installé en Asie, est devenu moine bouddhiste en 1978 et interprète du Dalaï-lama en 1989 (voir L'Infini dans la paume de la main). De quoi étonner et perturber son père, Jean-François Revel, philosophe, journaliste, polémiste et athée déclaré. Cependant, le père et le fils n'ont pas perdu le contact et, en 1996 dans la solitude du Népal, dans des circonstances propices à un dialogue authentique et profond, ils ont décidé de confronter leurs approches de la vie. (Sorti en 1997, le texte a été revu par les auteurs pour l'édition de poche.) Dans ce débat intense, de multiples thèmes sont abordés, de la spiritualité à la notion de progrès, en passant par la foi, la nature de l'esprit, la mort, la psychanalyse et la politique (notamment dans le contexte du martyre du peuple tibétain). Si le philosophe reste sceptique quant à la métaphysique proposée par le bouddhisme, il admire fort sa sagesse, arrivant "à point nommé" pour l'Occident, qui "a triomphé dans la science, mais n'a plus ni sagesse ni morale qui soient plausibles".
Auteurs:
Matthieu Ricard est né le 15 février 1946 à Aix-les-Bains. Il est le fils du philosophe, essayiste et journaliste Jean-François Revel (né Jean-François Ricard) et de la peintre Yahne Le Toumelin. Il réside actuellement au monastère de Shéchèn au Népal.
Il voyage en Inde pour la première fois en 1967, où il rencontre des maîtres spirituels tibétains dont son maître Kangyour Rinpoché. Après sa thèse en génétique cellulaire à l'Institut Pasteur, sous la direction du Pr. François Jacob (Prix Nobel de médecine), il décide de s'établir dans l'Himalaya où il vit depuis 1972, étudiant et pratiquant le bouddhisme tibétain auprès de grands maîtres spirituels, Kyabjé Kangyur Rinpoché puis Dilgo Khyentse Rinpoché. Il devient moine en 1979.
En 1980, grâce à Dilgo Khyentsé Rinpoché, il rencontre pour la première fois le Dalaï-lama, dont il devient l'interprète pour le français à partir de 1989.

Jean-François Revel est né en 1924 à Marseille, dans une famille d’origine franc-comtoise.
Agrégé de philosophie, il a été nommé successivement à Tlemcen (1947-1948), au lycée français et à l’Institut français de Mexico (début 1950-fin 1952), à l’Institut français ainsi qu’à la Faculté des lettres de Florence (1952-1956). Revenu en France à la fin de 1956, il fait partie du cabinet du sous-secrétariat d’État aux Arts et Lettres avant de prendre un poste d’enseignant au lycée Faidherbe à Lille (1957-1959) puis au lycée Jean-Baptiste Say à Paris. Il quitte l’Université en 1963.
Sa carrière littéraire commence en 1957 ainsi que sa carrière journalistique. Il a en outre assumé les fonctions de conseiller littéraire et de directeur de collection chez René Julliard, Jean-Jacques Pauvert, Robert Laffont jusqu’en 1978, date à laquelle il devient directeur de l’hebdomadaire L’Express, dont il était l’un des éditorialistes depuis 1966. Il démissionne de la direction de L’Express en 1981 puis devient, en 1982, chroniqueur au Point, poste qu’il occupe jusqu'en 2006.
Il a collaboré également, en qualité d’éditorialiste, à des stations de radio : Europe n° 1 (1989-1992), R.T.L. (1995-1998).
Élu à l’Académie française, le 19 juin 1997, au fauteuil d’Étienne Wolff (24e fauteuil).
Mort le 30 avril 2006 à Paris.

Avis:
** Dialogue très poussé intellectuellement entre le père philosophe, agnostique et le fils convertit au bouddhisme depuis plus de 20 ans.
** Leurs discussions tournent autour de la définition du bouddhisme en tant que religion ou philosophie. Ils arrivent finalement à un certain compromis en définissant le bouddhisme comme une "science de l'esprit".

dimanche 23 janvier 2011

L'AMERIQUE QUE NOUS VOULONS - Paul Krugman (2007)

Résumé:
[Résumé de l'éditeur]:
L'Amérique que nous voulons « L'Amérique est prête pour une politique nouvelle, progressiste - un nouveau New Deal. » Cette thèse de Paul Krugman n'est plus jugée donquichottesque : la victoire écrasante des Démocrates en témoigne. Une grande partie de l'opinion américaine pense même que la politique économique des conservateurs a contribué à créer la crise. L'érosion progressive, depuis un quart de siècle, des garde-fous financiers établis par le New Deal, l'ascension d'un « système bancaire fantôme », non assujetti aux réglementations, ont rendu le désastre possible. Paul Krugman éclaire magistralement les raisons du naufrage américain - fin des valeurs démocratiques, explosion des inégalités, chute dramatique du niveau de vie des classes moyennes - en examinant de manière décapante un siècle d'histoire politico-économique. Il soutient que la réforme de santé doit être au coeur de l'action de l'administration Obama, que l'assurance maladie universelle doit être au nouveau New Deal ce que la Social Security, la caisse de retraite publique, a été au précédent. Mais il y a une autre tâche, urgente : le sauvetage de l'économie. Selon Krugman, il ne reste qu'une option : la stimulation budgétaire de grande envergure. C'est par des dépenses que l'administration Obama tirera l'Amérique de la récession. Et il nous explique comment l'Amérique peut à la fois s'offrir des dépenses massives et une réforme majeure de son système de santé. Le nouveau New Deal commence.

[Résumé d'un internaute]:
L'Amérique que nous voulons" commence ainsi: "Je suis né en 1953... L'Amérique d'après-guerre était d'abord une société de classe moyenne. La grande ascension des salaires inaugurée par la Seconde Guerre mondiale avait fait passer des dizaines de millions d'Américains -dont mes parents- des taudis urbains ou de la pauvreté rurale à une vie de propriétaire et de confort sans précédent".
Le climat politique, se souvient l'essayiste, était alors "tempéré", et les républicains "n'essayaient plus de démanteler les acquis du New Deal".
Puis est venue l'ère Reagan et le tournant des années 80 : les inégalités se sont accrues, la situation économique s'est dégradée pour le plus grand nombre, et la politique s'est faite de plus en plus droitière, sous l'impulsion des néo-libéraux. Les républicains ont ouvertement prôné le démantèlement de tous les acquis du XXème siècle : "certaines politiques de Bush - sa tentative visant à supprimer les droits de succession, par exemple - ramènent l'Amérique non pas à ce qu'elle "était avant le New Deal, mais avant l'Ere progressiste" (1900-1918, période marquée par des tentatives de réforme sociale et par la législation antitrust). Et de rappeler que la campagne pour l'abrogation des droits de succession "a été largement financée par une poignée de familles qui ont de gigantesques héritages à financer".
Les démocrates, eux aussi ont glissé à droite : "non seulement Bill Clinton a gouverné plus à droite que Jimmy Carter, mais même plus à droite que Richard Nixon", souligne Krugman.
Pour Krugman, des "révolutionnaires d'extrême-droite" ont pris le pouvoir aux Etats-Unis
La thèse centrale du livre est celle-ci : "au cours des années 70, des éléments révolutionnaires d'extrême-droite décidés à revenir sur les acquis du New Deal se sont emparés du parti républicain". Cette droite dure a lancé l'offensive contre le mouvement syndical, réduit les taux d'imposition sur les hauts revenus, suscité et encouragé la montée de l'inégalité. Et pour l'auteur, c'est cet environnement politique qui a déterminé l'inégalité économique, et non l'inverse. La politique, affirme-t-il, sans crainte de passer pour un hérétique, a primé sur l'économie et a déterminé celle-ci.
Comment cette démarche a-t-elle pu réussir ? Comment une majorité d'Américains a-t-elle pu voter pour des présidents et des majorités accroissant les inégalités et ne favorisant que les plus riches ? C'est ce que Krugman s'attache à retracer. Ne pas manquer, dans son livre, le remarquable chapitre dédié aux "armes de distraction massive". Ou comment manipuler l'opinion, jusqu'à ce qu'elle vote contre ses propres intérêts. L'économiste rappelle comment Reagan avait entamé sa marche triomphale vers la présidence : "Il s'est fait remarquer en exagérant grossièrement un cas de fraude aux allocations à Chicago, qui lui a inspiré l'expression Welfare Queen, la "Reine des prestations sociales". Il n'a pas précisé la couleur de sa peau, il n'en avait pas besoin. " Pour Paul Krugman, le racisme a été l'ingrédient essentiel des succès des conservateurs. Mais pas le seul : il y a eu, aussi, "la lutte contre le terrorisme" et le retour de l'ordre moral.
Autant de leurres destinées à l'Amérique profonde et qui ont eu le résultat suivant, souligné par un livre qui avait fait quelque bruit en 2004, "What's the Matter with Kansas" ("Quel est le problème au Kansas") de Thomas Frank : "La ficelle ne s'use jamais...Votez pour interdire l'avortement, vous aurez une réduction de l'impôt sur les plues-values. Votez pour restaurer la puissance du pays, vous aurez la désindustrialisation ... Votez pour faire front contre les terroristes, vous aurez des manoeuvres pour privatiser la Caisse de retraite publique...". Dans la communication, les enjeux secondaires sont placés sur le devant de la scène. Et pendant ce temps-là, l'essentiel, une libéralisation qui coûte cher aux pauvres et aux classes moyennes, est mise en oeuvre méthodiquement, mais constamment escamotée dans le discours.
La conclusion du livre et de sa démonstration, menée tambour battant? On la devine sans peine : il est urgent, dans l'intérêt de l'immense majorité des citoyens, de faire marche arrière. D'établir une sécurité sociale pour tous. De revenir sur la baisse des impôts. Et de tenter, enfin, de réduire les inégalités. Aujourd'hui, la crise financière a rendu audible un discours dénonçant la folie du néolibéralisme, dont les années Bush ont marqué l'apogée.


Paru sous le titre The Conscience of a liberal.

Auteur:
Paul Robin Krugman, né le 28 février 1953 à Long Island dans l'État de New York, est un économiste américain qui a obtenu le « prix Nobel d'économie » 2008 pour avoir montré « les effets des économies d'échelle sur les modèles du commerce international et la localisation de l'activité économique ». Il tient une tribune depuis 2000 dans le New York Times ce qui lui a permis de devenir un « faiseur d'opinion ».

Avis:
** Ce livre démontre pourquoi il faudrait qu'il y ait un nouveau New deal dans ce début de XXIème siècle aux Etats-Unis (le New New Deal). La théorie de Paul Krugman est que des néo-conservateurs (proche extrême-droite) ont pris le pouvoir et qu'ils sont la raison du naufrage américain. Il plaide ainsi pour la fin d'une politique tournée uniquement vers l'intérêt des plus riches ...
** L'auteur parcourt l'histoire du XXème siècle des Etats-Unis: le long âge doré dans les années 20, la grande compression avec le New Deal dans les années 30, la politique de l'Etat providence après la guerre, une prospérité agitée dans les années 60, le conservatisme de mouvement dans les année 70, la grande divergence avec Reagan dans les années 80, la politique de l'inégalité et les armes de distraction massive à la fin du XIX et début du XXème siècle et pour finir le futur avec une nouvelle politique d'égalité ...                              
** Rappel: Aux Etats-Unis, les démocrates sont synonymes de libéraux et les républicains sont synonymes de conservateurs.

samedi 22 janvier 2011

LE CASSE DU SIECLE - Michael Lewis (2010)

Résumé:
À l’automne 2008, les principales places boursières se sont effondrées dans le sillage de Wall Street, plongeant du même coup le monde dans la crise. Si le désastre financier fut une surprise pour beaucoup, quelques-uns l’avaient néanmoins anticipé. Le véritable krach avait en effet commencé quelques mois plus tôt aux États-Unis, un krach obscur celui-là, silencieux, lié à l’inconséquence des subprimes, ces produits financiers inventés par des apprentis sorciers pour jouer avec les dettes des classes les plus défavorisées. Très vite, quelques personnes ont compris que ce système courait droit à sa faillite. Certains d’entre eux se sont tus, par peur ou espoir de se tromper, d’autres ont essayé en vain de briser le silence et l’indifférence, d’autres enfin ont décidé de parier sur cette catastrophe pour gagner plus d’argent encore.
C’est à ces quelques visionnaires que s’intéresse ici Michael Lewis. Privilégiant l’aspect humain à l’analyse d’un système trop souvent opaque et anonyme, il nous livre une galerie de portraits édifiants. Ses « modèles », qui mêlent de façon incroyable cynisme et naïveté, autisme et arrogance, nous accompagnent ainsi dans un récit passionné et passionnant, où la morale et les millions de dollars sont quantité négligeables, les anecdotes plus édifiantes les unes que les autres. Combinant la grande et les petites histoires, il nous livre au final le document le plus captivant, le plus humain et le plus instructif sur la crise et le monde financier tel qu’il se présente aujourd’hui.
Paru sous le titre The Big Short.

Auteur:
Michael Lewis est né à La Nouvelle Orléans en 1960. Il a travaillé comme investisseur, au milieu des années 1980, pour la banque Salomon Brothers, expérience qui lui a donné la matière de son premier livre, Poker Menteur (Dunod, 1993), comparé, lors de sa sortie au Bûcher des vanités, de Tom Wolfe. Il est aujourd’hui journaliste à Vanity Fair.

Avis:
** LE livre sur la crise des subprimes aux Etats-Unis ! A travers les récits des différents personnages, l'auteur arrive à nous expliquer, en des termes compréhensibles pour des non familiers de la finance, les fondements de la crise hypothécaire. Les CDS et les CDO sont ainsi décrits en détail et n'auront plus de secret pour le lecteur à la fin du livre.
** Plutôt que de faire un énième livre de réflexion sur l'absence de régulation, l'aviditié des opérateurs de marché ou l'irresponsabilité des banquiers centraux, Michael Lewis nous raconte la crise financière en utilisant certaines armes du scénariste de thriller: les héros sont des personnages totalement inconnus (un analyste financier obsessionel, un gérant de fonds autiste, un trader caractériel, ...) qui ont pour seul trait commun d'avoir su voir venir très tôt la catastrophe financière. "Le casse du siècle" n'est donc pas le récit d'un hold-up, mais l'histoire de quelques visionnaires qui se sont enrichis, mais ont aussi payé psychologiquement pour ne pas s'être trompé. Car, comme le souligne l'un deux, "il devient morbide de faire des investissements qui rapporteront  un pactole si une tragédie se produit" (to be short signifie parier contre la marché).

mardi 18 janvier 2011

VENT ET VAGUES - Yasushi Inoue (1963)

Résumé:
Gengis-khan (1167-1227) - le "conquérant du monde", selon ses chroniqueurs - avait formé un empire démesuré qui allait s'étendre à son apogée de la Méditerranée au Pacifique et de la Sibérie à l'Inde et à l'Indochine.
Kubilai (1215 - 1294), grand Khan des Mongols, petit-fils de Gengis Khan, empereur fondateur de la dynastie mongole de Chine, réalisa le rêve que son aïeul, avant lui, n'eut pas le temps d'accomplir : la conquête de la mythique Chine avec les fils du "loup bleu et de la biche fauve".

Connu des Européens grâce aux récits de Marco Polo, son nom évoque, pour les Japonais, le fameux épisode des kamikaze ou "vents divins" qui protégèrent leur pays de l'invasion mongole.
C'est cette conquête du Japon, vue du côté coréen, que nous raconte Inoué, tandis que se dessine peu à peu la personnalité fascinante de Kubilai : monarque bienveillant et débonnaire, habile diplomate, oppresseur cruel et sans pitié. Les événements, décrits dans un ordre rigoureusement chronologique, sont entrecoupés par les interminables chevauchées des émissaires coréens et mongols. Par petites touches poétiques ou émouvantes, l'auteur nous dépeint l'Asie cruelle du XIIIème siècle et la beauté des paysages et des saisons.
Le lecteur songera longtemps à l'ombre envoûtante de Kubilai, au roi Wonjong rendu muet par l'horreur des épreuves imposées à son pays, ou au regard glacial du cruel général Hong Tagu, alter ego machiavélique de l'empereur mongol.

Auteur:
Né en 1907 à Isahikawa (Tokyo), Yasushi Inoué fit d'abord des études de philosophie à l'université de Kyôto, avant de se lancer dans le journalisme pour le Mainichi Shimbun. Il fut ensuite soldat en Chine en 1937, puis s'essaya à la littérature. Il connut la célébrité avec un roman évoquant le désarroi de son pays au lendemain de la défaite (Corrida, 1946). En 1949, il obtient le Prix Akutagawa, l'équivalent de notre Goncourt, pour Le Fusil de chasse.
C’est plus volontiers dans l'histoire ancienne qu'il chercha les repères d'une identité improbable dans le monde moderne (Le Loup bleu, Journal de dame Yodo, Histoire de ma mère). L'Histoire, la Chine et le Japon sont les dominantes de son œuvre, très vite remarquées par la qualité des recherches. Il écrit ainsi plusieurs livres sur Confucius, Gengis Khan, Kubilaï Khan pour la Chine. Sur le Japon, la période de Momoyama restera son domaine de prédilection avec les romans sur Hideyoshi ou La Geste des Sanada.
Yasushi Inoué est mort à Tokyo en 1991.

Avis: 
** Superbe description historique de la Corée au XIIIème siècle: entre les diverses invasions des Mongols et ses efforts pour subsister en tant que pays au bord de l'annexion.
** Ce roman historique décrit également comment Kubilaï Kahn montera deux tentatives afin d'envahir le Japon depuis la Corée une première fois et depuis la Corée et de la Chine une seconde fois. Les deux tentatives échoueront avec le célèbre "kamikaze" (vent divin) qui sauvera les Japonais la deuxième fois (typhon qui emportera la majeure partie de l'immense flotte construite).
** Seul point négatif de ce livre, l'histoire prend le pas sur les personnages et très peu sont attachants ou permettent de vraiment donner de l'allant au roman.

lundi 17 janvier 2011

LE SABRE DE TAKEDA - Yasushi Inoue (1953)

Résumé:
Fûrinkazan : telle était la devise inscrite sur la bannière des Takeda. Une armée devait être rapide comme le vent (fû : 風), silencieuse comme la forêt (rin : 林), dévorante comme le feu (ka : 火), et impassible comme la montagne (zan : 山).
Au XVIème siècle, le Japon est en proie aux guerres féodales, entre les nombreux seigneurs qui se disputent la conquète du pays. Le clan des Takeda est l'un de ceux-là.
Ce roman nous raconte la vie de Kansuke YAMAMOTO, figure légendaire, personnage boiteux, borgne et nain, qui a servi le clan des Takeda, avec bravoure, intelligence et fidélité.
Grand stratège, il a mené les grandes batailles, brillamment, habilement, sans jamais économiser de sa personne, harpentant le pays pour reconnaître les positions.
Il s'est également révélé fin politique, servant en cela le seigneur Takeda, mais aussi son épouse, Dame Yubu, à qui il vouait une admiration profonde.
Ce roman est presque un film. Comme les films de Kurosawa, c'est une superbe fresque historique, pleine du bruit des batailles, des chevaux au galop, des lances qui s'entrechoquent, des bannières qui claquent au vent. Pleine aussi du mouvement des hommes, des chevaux, des mêmes bannières. Pleine enfin des couleurs des armures des samurai, des robes des dames.
Ce livre est un mouvement perpétuel, à plus de 24 images par seconde. Une fois pris dans ce mouvement, on ne s'arrête plus jusqu'à la dernière page.

Auteur:
Né en 1907, Yasushi Inoue fit d'abord des études de philosophie avant de se lancer dans le journalisme puis de s'essayer à la littérature. En 1949, il obtenait le Prix Akutagawa, l'équivalent de notre Goncourt, pour Le Fusil de chasse qui devait être ensuite traduit dans le monde entier. Inoué est mort en 1991.

Avis:
** Très belle chronique des batailles de "château" dans le Japon du XVIème siècle.
** Le héros est attachant et les aventures qu'il vit dans le clan des Takeda, devenant son conseiller de guerre le plus précieux, nous font voyager dans le Japon de l'époque.
** Cependant, les batailles et aventures s'enchaînent presque trop vite laissant peu de temps à une description détaillée des stratégies de combats par exemple.

dimanche 16 janvier 2011

OTAGE - Elie Wiesel (2010)

Résumé:
New-York, 1975 : Shaltiel Feigenberg, juif américain et modeste conteur, est enlevé en plein jour à Brooklyn. Le Groupe palestinien d’action révolutionnaire revendique la prise d’otage. L’événement fait la Une des médias internationaux : c’est la première fois qu’une action terroriste de ce type se produit sur le sol américain.
Reclus dans une cave, les yeux bandés, livré à lui-même, Shaltiel songe qu’il y a eu méprise sur sa personne. Entre deux face-à-face avec ses ravisseurs, il tente d’échapper à la violence absurde du présent : ayant perdu la notion du temps, il se réfugie dans le passé.
Dans le chaos puissant des souvenirs surgit ainsi l’histoire de Shaltiel et des siens : la déportation, en 1942, des habitants du ghetto de Dawarowski, sa ville natale en Transylvanie ; sa propre survie, enfant, dans la cave d’un comte allemand, officier des renseignements nazis ; la libération de la ville par les soldats de l’Armée rouge ; le récit du père et de l’oncle de Shaltiel, rescapés d’Auschwitz ; la fuite clandestine, en URSS, dès 1941, du frère aîné, membre d’une cellule du Parti communiste juif ; l’émigration aux Etats-Unis…
Aux souvenirs personnels de Shaltiel, aux réminiscences de contes mystiques qui les ponctuent, font échos les confrontations avec ses ravisseurs : un Arabe qui combat pour la cause de son peuple et manifeste à tout bout de champ sa haine des Juifs ; un Italien, idéologue révolutionnaire pour qui la Palestine n’est que la cause très immédiate d’une lutte qui la dépasse.

Auteur:
Elie Wiesel est né le 30 septembre 1928 à Sighet (Roumanie). Il n’a que quinze ans lorsqu’il est déporté à Auschwitz avec sa famille. Il y perd sa mère et sa petite sœur. Il est ensuite transféré à Buchenwald avec son père, qui meurt quelques jours après son arrivée. Libéré en avril 1945, il est pris en charge par l’Œuvre de Secours aux Enfants (OSE). La Nuit, récit poignant, publié en 1958 grâce à François Mauriac, inaugure une œuvre littéraire forte d’une quinzaine de romans et récits, de quarante livres publiés en tout, traduits dans plus d’une vingtaine de langues. Il a reçu de nombreux prix pour ses livres et son engagement humanitaire, dont le prix Médicis en 1968 pour Le Mendiant de Jérusalem, le prix du Livre Inter en 1980 pour Le Testament d’un poète juif assassiné. Le prix Nobel de la Paix lui est décerné en 1986. Il a publié dernièrement chez Grasset Le cas Sonderberg (2008) et Rashi (2010).

Avis:
** Livre très bien écrit et très agréable à lire au gré des contes et souvenirs évoqués par le héros otage.
** Le sujet (terrorisme, extermination des juifs, conflit israélo-palestinien …) n'apporte aucune théorie nouvelle.
** Il permet cependant de faire un lien depuis la deuxième guerre mondiale jusqu'au terrorisme d'aujourd'hui avec le conflit au Moyen Orient.
** La présence d'un Italien dans les preneurs d'otage qui engage la discussion avec Shatiel donne un côté moins manichéen à la prise d'otage et permet un échange inattendu (proche du syndrôme de Stockholm dans certaines parties).

Citation:
"La vie d'un homme, en vérité, est faite non pas d'années mais de moments. Et tous sont féconds. Et uniques. C'est ce que m'a enseigné un vieil homme qui mendiait des mots et des histoires, et je ne me lasse pas de répéter sa leçon. Certains de ces moments marquent une rupture dans la conscience, d'autres voient jaillir des pensées étincelantes, philosophiques, ou des oeuvres d'art stupéfiantes, et d'autres encore tout simplement des recontres ou des bouleversements au fond de soi." (p184)

samedi 15 janvier 2011

SHOGUN - James Clavell (1975)


Résumé:
Dans les années 1600, John Backthorne, un navigateur anglais, aborde aux côtes du Japon.
Dans ce pays inconnu, mystérieusement, en proie à de sauvages divisions féodales et où s'accomplit l'irrésistible ascension de Toranaga, qui deviendra "Shogun", le maître du Japon, John Backthorne va vivre une extraordinaire aventure. D'une foule de personnages vivants et divers, père jésuites, guerriers, prostituées, se détache la figure de la très belle Mariko, épouse d'un samourai, qui s'éprend de Backthorne.
Leur amour sera semé de guets-apens, d'intrigues cruelles et d'assassinats...
Dans cette vaste saga, deux civilisations s'affrontent. Le Japon révèle aux yeux d'un Occidental tous ses contrastes: sa férocité et les rites de sa politesse, les raffinements de son érotisme et sa fascination de la mort.



Auteur:
James Clavell est un écrivain, scénariste, réalisateur et producteur britannique né le 10 octobre 1924 et décédé le 7 septembre 1994. Il fait ses études à Portsmouth avant, en tant que jeune officier artilleur, d'être fait prisonnier par les Japonais lors de la chute de Singapour. Il passe alors la fin de la Seconde Guerre Mondiale dans l'infâme camp de Changi. C'est à partir de cette expérience à Changi qu'il a écrit son best-seller King Rat. Son intérêt pour l'Asie, ses peuples et ses cultures s'expriment également dans Taï-Pan, une aventure se déroulant à Hong Kong et relatant l'ascension d'un marchand rusé, Dirk Struan, à la tête de sa compagnie La Noble Maison. Il écrit ensuite le classique Shogun, une histoire en plein Japon lorsque les Européens cherchaient à prendre pied sur l'île du Soleil Levant, relatant l'ascension du navigateur anglais John Blackthorne au sein du clan du daïmio Toranaga. Noble House, quatrième roman de sa saga asiatique publié en 1981, poursuit l'aventure des Struans, lorsque le vent du changement souffle sur l'Asie dans les années soixante. Whirlwind, se déroulant en Iran pendant la révolution, continue la saga. Son dernier roman, Gai-Jin se déroule au Japon en 1862, lorsque le Taï Pan de la Noble Maison cherche à profiter du déclin du Shogunat.

Avis:
** Superbe livre sur le Japon, son histoire et sa culture. Ce roman très rythmé décrit superbement les us et coutumes japonais vus par l'oeil d'un occidental qui se convertit à la culture petit à petit. Certaines des ses traditions ont d'ailleurs traversés les siècles et se retrouvent encore de façon plus ou moins atténuée dans le Japon actuel.
** Une sorte de "3 mousquetaires" (ou même plutôt de "20 ans après") oriental !
** Roman historique sur le Japon du début du XVIIème (1600) avec la présence occidentale (catholiques déjà implantés venant de l'Espagne et du Portugal, ainsi que des Hollandais et Anglais).

Citations:
** "Toranaga ne trouva pas le sommeil cette nuit-là. C'était très rare chez lui, car il pouvait d'habitude remettre au lendemain le problème le plus urgent, sachant que, s'il était encore vivant, il pourrait le régler au mieux de sa forme. Il avait depuis longtemps découvert qu'un sommeil tranquille pouvait lui apporter une solution à la plupart de ses dilemmes."  p 205 - livre 1
** "L'amour est un mot chrétien, une pensée chrétienne, un idéal chrétien, Anjin-san. Nous n'avons pas d'équivalent pour le mot 'amour' tel que vous l'entendez. Devoir, loyauté, honneur, respect, désir, voilà les mots et les concepts dont nous avons besoin. " p346 - livre 1
** "La patience est très importante. Les hommes forts sont ceux qui sont patients. La patience, c'est ne pas se laisser aller aux sept émotions: haine, adoration, joie, angoisse, colère, peine, peur. Si vous ne vous laissez pas aller à ça, vous serez patient. Vous saisirez alors très vite les différentes facettes des choses et vous serez en harmonie avec l'éternité". p 49 - livre 2

mercredi 12 janvier 2011

ATTILA - Eric Deschodt (2006)

Résumé:
[Résumé de l'éditeur]
Attila (395-453) reste un mystère. Unique empereur des Huns, rassembleur génial de bandes anarchiques dispersées du cœur de l'Asie au cœur de l'Europe, diplomate hors pair, grand stratège, il constitue en moins de quinze ans un empire qui s'étend de la mer d'Aral au Danube. Après avoir battu et rançonné les deux empires romains d'Orient et d'Occident, il dédaigne étrangement de s'emparer de leurs capitales, Rome et Constantinople, préférant à leurs splendeurs son palais de bois démontable. Après avoir envahi la Gaule en 452, il est stoppé en Champagne, aux Champs Catalauniques, et bat inexplicablement en retraite devant son ami d'enfance, le Romain Aétius. Ayant achevé la réorganisation de son armée, il meurt subitement à la veille du déclenchement d'une nouvelle campagne militaire.
[Résumé d'un internaute]
Les origines des Huns sont nimbées de mystères, si on les situe dans les steppes d’Asie centrale, à l’emplacement de l’actuelle Mongolie, on sait aussi qu’ils s’étendirent jusqu’en Europe de l’Est à Budapest, à partir du IV ieme siècle après Jésus Christ. Essentiellement nomades, redoutables cavaliers et archers, ils menèrent de terribles invasions menaçant depuis le III ieme siècle avant Jésus Christ les royaumes de Chine. En 400 ap JC, les Huns stationnant en Hongrie, constituent une force inquiétante pour un Empire romain déclinant, scindé entre l’Empire d’Orient à Constantinople et l’Empire d’Occident de Rome.
Les Romains jouent sur les alliances avec les peuples Barbares notamment les Wisigoths qui ont un statut de fédération de l’Empire, pour sauver les apparences et préserver un semblant de prestige mais en réalité certains peuples comme les Vandales, les Ostrogoths ou des tribus Gauloises révoltées échappent à présent complètement à leur influence. Honorius empereur d’occident joue également à ce jeu d’alliance pour tenir en respect les Huns.
C’est dans ce cadre que le romain Aetius est envoyé chez Roas, le roi des Huns et se lie d’amitié avec son jeune neveu Attila. En un juste retour des choses, Attila est accueilli à la cours de Rome ou il joue un rôle d’ambassadeur.
A la mort de son frère Bleda, il devient le roi des Huns et entreprend de fédérer les tribus hunniques, de développer un pouvoir centralisé, à améliorer les axes de communication et surtout à nouer des alliances pacifiques avec les peuples de l’Est notamment ses ennemis héréditaires les Chinois.
Ayant stabilisé l’empire hun de l’Est, Attila se tourne vers l’Ouest et ses richesses qui le fascinent. C’est l’empire romain d’Orient qui sera sa première cible, avec Théodose II, empereur faible, incapable et lâche qui sera prêt à toutes les humiliations pour ne pas avoir à livrer bataille.
Après avoir une nouvelle fois fait pression sur Constantinople pour exiger un tribut plus élevé, Attila renonce à la mort de Théodose et de Chrysaphius à sa vengeance et se tourne ensuite vers l’empire d’Occident, gouverné par Valentinien III ou siége en tant que conseiller et général son ami Aetius. Les relations entre Attila et Aetius anciens amis et à présent rivaux seront toujours complexes et ambiguës
Attila et ses Huns ravagent l’Est puis le Nord de la France, pillant et massacrant tout ce qu’ils trouvent et alimentant pour l’éternité la légendes des Huns, barbares impitoyables, buveurs, tueurs et rançonneurs de l’Occident.
Assez étrangement il épargne Paris, ville alors d’importance moyenne, laissant prendre la légende de Sainte Geneviève priant pour que le conquérant épargne sa ville.
Le choc avec Aetius se produit vers Chalons, lors de la célèbre bataille des champs Catalauniques qui fut la plus grande boucherie de l’histoire de l’Occident  (160 000 morts !) jusqu’à la première guerre mondiale et l’apparition des mitrailleuses faucheuses d’hommes
Le dernier volet sera l’attaque de l’Italie, qui après la prise de la place forte d’Aquilée, failli bien entre complète, Attila s’arrêtant alors mystérieusement aux portes de Rome après que le pape Léon Ier ait négocié lui même le départ du conquérant.
Outre la légende, on notera que la santé d’Attila s’était considérablement altérée et que malade il ait préféré rebrousser chemin pour se soigner et préparer sa succession. De retour dans son royaume de l’Est de l’Europe, Attila mourra mystérieusement. Sa mort, à 58 ans aboutira à l’effondrement brutal de l’empire des huns.

Auteur:
Né en 1937, Eric Deschodt a été journaliste à la RTF, Jours de France, Spectactle du Monde, Valeurs actuelles, et collabora longtemps au Quotidien de Paris et au Figaro-Magazine. Ecrivain, il a publié une vingtaine d'ouvrages, parmi lesquels des biographies de Saint-Exupéry, Gide, Agrippa d'Aubigné, Barrès, ainsi qu'une dizaine de romans, dont Le roi a fait battre tambour, Le Royaume d'Arles, Le Scorpion d'or...

Avis:
** Bonne biographie d'Attila: ce livre donne une intéressante vision de la vie du seul empereur des Huns. On lui découvre un côté stratège et réfléchi qui dénote avec l'idée pûrement barbare que l'on se fait du personnage (certainement amplifiée par le fait que les écrits racontant sa vie viennent seulement des ses adversaires).
** Cependant le livre est assez difficile à lire: les tranches de vie d'Attila se suivent sans grand liant et surtout sans grand allant. Il y a bien quelques batailles (notamment en Gaule) qui ont du rythme, mais le reste de l'histoire reste assez saccadé. De sucroît, l'absence de cartes pour un peuple de nomades est véritablement rédhibitoire.
** Sur la vie d'Attila: on retiendra principalement sa campagne sur l'empire romain d'Orient (en renonçant à la prise de Constantinople), sa campagne en Gaule (en renonçant également à la prise de Paris, Geneviève, future sainte, aurait joué un rôle) et finalement sa campagne sur l'empire romain d'Occident.
** Attila aurait passer la plupart de son temps en tant qu'empereur au bord du Danube dans l'actuelle Hongrie (ce qui explique le grand nombre de prénoms "Attila" dans ce pays).