mardi 20 septembre 2011

GUNS, GERMS AND STELL - Jared Diamond (1997)

Résumé de l'éditeur:
["Guns, Germs, and Steel - The fates of human societies" traduit en français donne "De l'inégalité parmi les sociétés"]
L'inégalité dans la répartition des richesses entre les sociétés est liée aux différences de milieux, pas aux différences génétiques. Mobilisant des disciplines aussi diverses que la génétique, la biologie moléculaire, l'écologie des comportements, l'épidémiologie, la linguistique, l'archéologie et l'histoire des technologies, Jared Diamond montre notamment : le rôle de la production alimentaire (c'est-à-dire la domestication des plantes et des animaux sauvages, puis l'augmentation des vivres par l'agriculture et l'élevage, qui permet d'entretenir des bureaucraties et des artisans spécialisés dans la production des armes) ; l'évolution des germes caractéristiques des populations humaines denses favorisées par la révolution agricole (les germes eurasiens ont tué plus d'indigènes américains et non eurasiens que les fusils ou les armes d'acier des Eurasiens) ; le rôle de la géographie dans la diffusion contrastée de l'écriture et de la technologie, selon la latitude en Eurasie, mais la longitude aux Amériques et en Afrique. A l'ère de la globalisation, Jared Diamond nous propose opportunément cet essai, en tout point singulier, sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les sociétés.


Résumé tiré du web:
La question fondamentale qui est posée ici est de savoir pourquoi et comment les inégalités criantes qui sont celles d’aujourd’hui entre les pays/civilisations sont nées? Pourquoi l’Afrique, où sont nés les Homo Erectus est-elle à la traîne du développement et dominée par les nations occidentales (sur l’arriération, évidemment, il y a une autre question qui est celle de savoir si nos nations prétendument avancées sont réellement plus heureuses et ont suivi une supposée flèche du progrès)? Pourquoi les aborigènes d’Australie et les Indiens d’Amérique ont-ils été exterminés (passivement ou activement) par les troupes Européennes (ou leur avatars des antipodes) et pas l’inverse ?
La réponse tacite à cette question est, à notre corps défendant, souvent celle d’une thèse plus ou moins raciste, qui est que ces hommes ont été moins « intelligents » ou plus passifs. Réponse immédiate et séduisante certes, mais vraie? On peut se dire tout simplement que l’évolution (Darwinienne) a fait en sorte que l’homme occidental soit plus adapté à son environnement que l’homme africain. Mais Jared Diamond désamorce cette tentation en reprenant un argument sur lequel je m’interroge depuis quelques années: après tout, l’évolution darwinienne suppose la disparition (ou du moins la non-reproduction) des plus « faibles » ou des « moins adaptés ». Or, nos civilisations modernes s’enorgueillissent (à raison) de protéger les plus faibles, et de permettre à ceux qui ne peuvent procréer de le faire (FIV, mères porteuses…). Un processus de dévolution ne serait-il pas à l’oeuvre en Occident ? Diamond n’apporte pas de réponse à mon interrogation mais fait remarquer que les conditions de vie en Afrique ou en Nouvelle-Guinée sont probablement plus favorables à une évolution darwinienne que nos sociétés occidentales surprotégées.
Donc si ces civilisations ne sont pas constituées d’êtres plus faibles intellectuellement que nous, pourquoi ont-ils été dominés ? Les raisons immédiates sautent aux yeux : « nous » possédions les armes, le fer, et les germes (la variole et autres maladies ayant exterminé beaucoup plus d’indiens ou d’aborigènes que les armes …). D’où le titre original « Guns, Germs and Steel ».
La thèse de Diamond repose sur un certain déterminisme géographique. Mais il convoque également de nombreuses sciences pour étayer son analyse : archéologie bien sur, mais aussi étude des évolutions génétiques des hommes, animaux ou plantes, évolution des langues (étude des racines et divergences, apparition des mots désignant un animal montrant que celui-ci était apparu dans une civilisation donnée).
Il est attesté que les premiers foyers de développement forts humains ont été le « Croissant Fertile » (nord de l’Irak actuel, Syrie, Israël/Palestine) et la Chine aux environs de 7500 av JC. Le développement s’est fondé sur la domestication des plantes (transformation par évolution génétique progressive de plantes sauvages en plantes domesticables) et des animaux. Ceci a permis à des civilisations de chasseurs-cueilleurs de se sédentariser et de former des villes. Les mêmes villes ont alors permis une concentration propice à l’invention et au développement, d’autant plus que les surplus alimentaires ont à leur tour permis le développement de castes d’artisans ou de fonctionnaires, dévoués à l’évolution de la société plutôt qu’à sa subsistance. Cette même concentration a abouti à transformer les sociétés en bandes de quelques douzaines d’individus en chefferies puis en vrai Etats avec des lois, des règles, une caste dominante entretenant, grâce à l’impôt, des fonctionnaires, des scribes (d’où invention de l’écriture) mais aussi des religieux/mystiques capables de justifier l’existence des chefs comme étant supérieurs au commun des mortels. Bref, le cercle vertueux du développement (simplifié à l’extrême…).
Pourquoi dans ces régions et pas dans d’autres ? La théorie de Diamond repose sur le fait que ces régions présentaient des dispositions de départ (stocks de plantes et d’animaux domesticables) incomparablement meilleurs qu’en Afrique par exemple. Les ancêtres des boeufs ou chevaux étaient domesticables, le zèbre n’a pas été domestiqué (même de nos jours)… Idem de l’éléphant, du rhinocéros, du tigre, … Il y avait donc une inégalité de départ qui explique grandement les inégalités d’aujourd’hui …
Et ça n’est pas tout. En effet, ce qui a permis à Cortes ou Pizarro d’abattre les civilisations Incas et Aztèque, c’était leurs avantages technologiques bien sûr mais pas seulement : ils combattaient à 500 contre 1.000.000! Le fait est que les germes étaient également de leur côté … Les germes exportés d’Europe tuaient les indigènes mais pas l’inverse. Pourquoi? La proximité des Eurasiens avec les animaux avaient permis aux maladies de passer la barrière animal / humain et de se propager aux humains (cf grippe porcine). Les européens en ont certes grandement souffert (peste de 1346 à 1352 qui a tué 25% de la population européenne) mais leur gènes se sont adaptés et ils sont devenus résistants. Par contre, les peuples conquis tombaient comme des mouches (jusqu’à 95% de mortalité en 3 ans …).
Vous allez me dire : n’en jetez plus, la coupe est pleine! Et non… En effet, l’orientation des continents était également inégale. L’orientation du continent Eurasien est essentiellement Est-Ouest, ce qui favorise la diffusion des cultures et/ou animaux domestiqués. En effet, une plante poussant à une latitude donnée en Inde a de bonnes chances de se répandre facilement à la même latitude vers l’Ouest (Italie …). Par contre, les Amériques et l’Afrique sont Nord/Sud et les barrières écologiques (Sahel, barrières tropicales, …) ont grandement retardé la diffusion des cultures et animaux et avec elles les avancées technologiques et civilisationnelles.
Encore un exemple? Le fait que les peuples Eurasiens étaient interconnectés a favorisé la diffusion des technologies (L’Europe dominante du XVIIIème n’avait quasiment encore rien inventé avant 1500 …) mais aussi leur non-abandon. En effet, l’acquisition du progrès technologique est loin d’être linéaire. Et Diamond montre que l’idée reçue que le besoin crée l’innovation est une chimère… L’innovation crée souvent le besoin (Le peuple avait-il besoin d’IPhone? Non… En a-t-il besoin maintenant qu’il est créé ? Oui …). Des peuples isolés peuvent renoncer à des technologies. Ainsi, le Japon, isolé, a décidé de renoncer aux armes à feu après les avoir acquises pour préserver le prestige des samouraïs! Un peuple aux voisins belliqueux n’aurait pu faire de même… Diamond donne également d’autres démonstrations du caractère difficilement prévisible de la diffusion de l’innovation. Par exemple, le clavier QWERTY que certains d’entre vous ont sous les doigts a été inventé en… 1873. Et il a été créé pour ralentir au maximum la frappe (lettres apparentées dans les mots séparées sur le clavier, lettres courantes (« e ») main gauche, …) pour éviter aux machines à écrire de l’époque de se bloquer. Les machines ont évolué… le clavier est resté !
Ou encore, l’auteur explique que la division chronique de l’Europe (ô combien encore vraie) a été paradoxalement une chance historique de développement. Le long endormissement de la Chine qui était pourtant en pole position pour être la nation dominante est due à une forte unification politique. Des dynasties rétives aux progrès ont pu ainsi sortir leur pays de la compétition, ce qui n’a pu arriver à une Europe en perpétuelle compétition.
Ainsi démontré, on voit que les Indiens d’Amérique n’avaient aucune chance face aux émigrants européens même si leur nombre était très important (20 millions, loin du million évoqué dans les livres d’histoire américain pour accréditer le mythe fondateur du peuplement pionnier d’un espace vide). Idem pour les aborigènes d’Australie dont le développement était resté extrêmement en retrait du fait de l’isolement de leur île et de son climat très favorable.
Ajoutons à cela à la description par Diamond de pages historiques totalement inconnues (de moi en tout cas) comme par exemple la colonisation austronésienne (peuples du Sud-Est Asiatique) qui entre quelques centenaires d’années avant et après JC, se sont diffusés sur une aire allant des îles du Pacifique à l’Est et à… Madagascar à l’Ouest, ce qui fait que les langues parlées à Madagascar (et les caractéristiques génétiques des habitants) sont plus proches de celles de l’Asie du Sud-Est que de l’Afrique, et vous obtenez, en 600 pages, une somme d’une intelligence totale, un livre rare et précieux qui devrait être enseigné dans les écoles.



Auteur:
Jared Mason Diamond (10 septembre 1937) est un biologiste évolutionniste, physiologiste et géonomiste américain. Professeur de géographie à l'Université de Californie à Los Angeles (UCLA), il est surtout connu pour ses ouvrages de vulgarisation scientifique: De l'inégalité parmi les sociétés (qui lui a valu le prix Pulitzer en 1998) et Effondrement. A noter également qu'il est très doué en langues puisqu'il en parle une dizaine et a vécu plus d'une dizaine avec les populations locales de Nouvelle-Guinée.

Avis:

** Un seul mot me vient à l'esprit après avoir lu ce livre: WAOUH !
** Le côté pavé du livre m'empêche de mettre le 5 étoiles, mais malgré ces presque 500 pages, c'est vraiment loin d'être un livre difficile, au contraire c'est un livre extrément passionnant à lire. Et ça c'est véritablement un exploit !
** Pourquoi passionnant ? Tout simplement, car sa théorie d'évolution de l'humanité - argumentée très précisement à partir de ses connaissances en biologie, linguistiques, ... et des connaissances d'autres scientifiques sur l'évolution des hommes, des plantes, des animaux ... - est tout simplement génial ! Aujourd'hui grâce à ce livre je peux expliquer l'évolution de l'humanité de ces 13 000 dernières années !! Et pourquoi les populations européennes sont devant, l'Afrique derrière (basée sur un critère de richesse qui n'est, il est vrai, peut-être pas le plus pertinent) et que les Indiens d'Amérique et Arborigènes d'Australie n'existe plus !!
** On apprend tellement de choses dans ce livre qu'il est vraiment difficile de résumer tout cela dans un blog. Pour ne donner qu'un autre exemple de sa richesse: il évoque également l'évolution des populations d'Asie du Sud Est et comment celles-ci sont en fait toutes issues de Taïwan et se sont propagées d'île en île pour aller .... jusqu'à Madagascar ! Etonnement un ami de La Réunion me l'a confirmé en découvrant que des mots de l'île avaient la même racine que le Bahasa d'Indonésie .. incroyable ! Qui l'eut cru !
** Même si vous n'êtes pas fans d'histoire, lisez-le, ca ouvre au moins les yeux sur la chance (le mot est bien choisi, car c'est bien une certain chance et non pas un certain talent) qui nous permet aujourd'hui de faire parti des pays riches de la Terre ... et non pas d'être de l'autre côté. L'humilité est peut-être le meilleur remède contre le racisme et c'est en tout cas, un des principaux messages que souhaitent nous faire passez Jared à travers ce livre.

Extraits:

- Propagation des êtres humains sur la planète:


- Les centres d'origine de la production de nourriture sont les suivants: le croissant fertile (environ de 8500 BC) avec wheat, pea, olive / sheep, goat pour les animaux ; la Chine (~7500 BC) avec rice, millet / pig, silkworm ; Mésoamérique (~3500 BC) avec corn, beans, squash / turkey ; Andes et Amazonie (~3500 BC) avec potato et maniox / lama, guinea pig ; East US ~2500 BC) avec sunflower, goosefoot / N/A et des doutes sur le Sahel, tropical west africa, ethiopia et new guinea. Ensuite les domestications locales suivantes venant de cultures d'ailleurs: Western Europe (6000-3500 BC) avec poppy, oat / N/A ; Indus Valley (~7000 BC) avec sesam, eggplant / humped cattle : Egypt (~6000 BC) avec sycamore fig, chufa / donkey, cat.

lundi 19 septembre 2011

SOUFFLE JAUNE - Armand Herscovici (2007)

Résumé de l'éditeur:
Chine, juillet 1405.
La plus grande armada de l'histoire, une escadre colossale de jonques géantes, quitte les rivages de l'Empire du Milieu, sous le commandement du titanesque eunuque Zheng He. Son maître, Yong Lo, troisième empereur de la dynastie des Ming, a décidé que l'univers entier le reconnaîtrait comme Fils du ciel et lui ferait allégeance. Cette gigantesque flotte aux trésors doit y contribuer. Elle a aussi un autre but, moins avouable, que le lecteur va découvrir.
A bord, le truculent Li Ying, grande gueule, ripailleur goulu, soiffard impénitent, féru d'arts martiaux, familier du monde des Fleurs et des Saules, celui des courtisanes. Or, ce colosse au langage fleuri, plus fin qu'il n'y paraît, est fidèle en amitié. Voilà qui l'entraîne dans un tourbillon d'aventures picaresques où, de petit boutiquier, il se retrouve mandarin, croisant sur sa route cent et mille personnages, aigrefins, entremetteurs véreux, argousins, hétaïres redoutables ou notables éminents.
Dans ce roman étourdissant, la Chine médiévale se révèle : privilèges, corruption, violence, cruauté, mais aussi raffinement exquis dans l'amour et les arts, délicatesse dans les rapports humains.


Résumé tiré du web:
Ce livre décrit les aventures du facécieux et au combien courageux Li-Ying, jeune vendeur d'herbes médicinales à la force sûrhumaine. On y suit son ascension jusqu'à sa rencontre avec le grand euneuque Zheng He qui deviendra grand amiral de l'armada de Yong Le, l'empereur de Chine afin de montrer au monde entier la puissance de l'empire du milieu, centre du monde. On voyage donc avec Li-Ying à travers les différents royaumes rencontrés avec humeur ressemblant fortement au style "d'au bord de l'eau". Un grand moment de détente à conseiller pour ceux désirant connaître l'histoire de la premiere armada de l'histoire bien avant Christophe Colomb et l'armada espagnol.


Auteur:
Armand Herscovici est un écrivan français. Après une carrière technique chez IBM aux Etats-Unis et en Europe, il démarre une carrière littéraire lors de sa prise de retraite fin 1999.
Il passe avec succès d'une activité scientifique aux fréquents déplacements à un bureau pour des voyages immobiles et un travail d’écriture.
Après sa trilogie Mesopotamia, Armand Herscovici, également auteur de La Spirale de l'Escargot et de Code Tetraktys, reste dans la veine du roman historique à travers l'histoire de la Chine du début du XVème siècle.


 
Avis:
** Un des meilleurs, ou tout du moins des plus agréables, romans historiques que j'ai eu l'occasion de lire récemment !
** Il est de surcroît "rafraîchissant", car ayant pour trame l'histoire méconnue en Europe (mais célèbre en Orient) de l'armada chinoise du XVème siècle (dépassant grandement et de loin les futures armadas européennes ..).
** Seule petite critique peut-être, le nombre de personnages approfondis n'est pas énorme et mis à part le héros, on passe ensuite rapidement d'un personnage à l'autre ce qui favorise le rythme et l'action du livre, mais pas forcément la réflexion ....
** Petit rappel historique de l'armada majusteuse de Zheng He:
- Zheng He (1371 - 1433) était un eunuque chinois musulman et un explortateur maritime célèbre. Il fut un des rares à se faire attribuer le titre bouddhique de Sanbao taijian, « Grand Eunuque aux trois joyaux ».
- La flotte comptait environ 30 000 hommes et 70 vaisseaux à son apogée.
Après la découverte d'un gouvernail énorme lors de fouilles dans le sud-est de la Chine et en se fondant sur un récit datant de près de 100 ans après l'époque de Zheng He, certains spécialistes affirment que ces vaisseaux pouvaient atteindre 138 mètres de long et 55 mètres de large et comptaient neuf mâts.
Un parchemin bouddhiste datant de l'époque de Zheng He et représentant des vaisseaux à 4 mâts semble infirmer cette thèse : ceux-ci n'auraient alors mesuré qu'une soixantaine de mètres de long.
Cela reste toutefois bien supérieur aux 30 mètres de long et 8 mètres de large de la Santa Maria, la caraque de Christophe Colomb, qui sera construite environ 70 ans plus tard.
- Zheng He explora, durant toutes ces longues années de voyage (7 expéditions en tout):
  • les côtes de l'Asie du Sud-Est (notamment Java et Sumatra dans l'actuelle Indonésie) ;
  • de nombreuses îles de l'océan Indien (notamment l'actuel Sri Lanka).
Il remonta la mer Rouge jusqu'en Egypte et descendit les côtes africaines jusqu'au Mozambique.
C'est à la suite d'une de ces expéditions qu'en 1414, le sultan de Malindi (dans l'actuel Kenya) inaugure des relations diplomatiques avec la Chine.
A la différence des Portugais, les voyages d'exploration entrepris par les Chinois ne débouchèrent pas sur une entreprise d'expansion outre-mer.
- L'autre expédition chinoise lointaine a été Le Voyage en Occident du moine Xuanzang pour rapporter d'Inde des textes bouddhiques. Les cartes marines chinoises circulaient dans le golfe Persique avec les marins arabes suivis de Vénitiens.
La plupart des récits furent retracés par Ma Huan, fidèle compagnon de route de l'amiral Zheng He. Durant leurs voyages, Ma Huan a noté minutieusement des choses concernant la géographie, les lois, la politique, les conditions climatiques, l'environnement, l'économie, les coutumes locales. La compilation s'appelle en français Merveilles des océans.
- Sur la côte nord de l'île de Java en Indonésie, Zheng He est l'objet d'un culte. Des temples (klenteng) lui sont dédiés, dont le plus connu et le plus visité est le Sam Poo Kong à Semarang.
En outre, une mosquée portant son nom, la Mesjid Cheng Hoo, a été construite à Surabaya par une association de Chinois d'Indonésie musulmans et inaugurée en 2007.

dimanche 18 septembre 2011

WHAT THE DOG SAW - Malcolm Gladwell (2009)

Résumé de l'éditeur:
[Le livre n'est pas encore traduit en Français]
Gladwell's fourth book comprises various contributions to the New Yorker and makes for an intriguing and often hilarious look at the hidden extraordinary. He wonders what... hair dye tell[s] us about twentieth century history, and observes firsthand dog whisperer Cesar Millan's uncanny ability to understand and be understood by his pack. Gladwell pulls double duty as author and narrator; while his delivery isn't the most dramatic or commanding, the material is frequently astonishing, and his reading is clear, heartfelt, and makes for genuinely pleasurable listening.
En résumé, ce quatrième (et dernier) livre de Gladwell est un recueil des contributions de l'auteur au journal le New Yorker durant ces 15 dernières années. Cela en fait un regard fascinant et souvent hilarant à l'extraordinaire caché de ces dernières années.

Avis:
** Le livre se compose de dix-neuf des meilleurs essais de l'auteur, dont les sujets vont de la contraception, au Ketchup, en passant par l'éducation. Comme toujours lorsqu'un livre compile une série d'articles, certains sont meilleurs que d'autres et les articles manquent parfois de liants les uns avec les autres même si l'auteur les a classifiés en trois grandes parties: 1- Les obssessifs, les pionniers et autres variétés de petits génies ; 2- Théories, prévisions et diagnostics ; 3- Personnalité, caractère et intelligence.
** La première partie regroupe des anecdotes sur les pitchmans (vendeurs de rue), le ketchup, des stratégies d'investissement particulières, du colorant pour les cheveux, la pilule contraceptive et l'homme qui parlait aux chiens. Les deux dernières sont les plus intéressantes, mais de manière générale cette partie n'est pas la meilleure du livre manquant surtout de vraies leçons à tirer des anecdotes.
** La deuxième partie est beaucoup plus intéressante, notamment lorsque Malcolm explique la différence entre mistery et puzzle (mystère où le nombre d'information est très important et il faut donc aujourd'hui le trier ; alors qu'avant l'information était plus difficile à avoir et il fallait s'efforcer de les récupérer pour assembler le puzzle) à travers l'anecdotes du scandale d'Enron. Aussi intéressante est l'anecdote des sans-abris où il explique que ce problème de société est plus compliqué (et revient surtout plus cher) à s'occuper au jour le jour qu'à résoudre ! Il explique aussi que pour résoudre le problème, il faut s'occuper des cas de sans-abris les plus durs: les cas chroniques, alcooliques, drogués, etc .... avant de pouvoir résoudre le problème dans son ensemble. Il explique aussi à travers d'autres anecdotes la différence entre paniquer/panick (principalement dû au manque d'expérience) et caler/chock (blocage complet des capacités malgré l'expérience acquise, cas assez fréquent dans le sport de haut niveau où certains sportifs peuvent complétement perdre leurs moyens aux moments les plus critiques!).
** La dernière partie a quelques anecdotes intéressantes, mais qui se rapprochent de certaines idées déjà évoquées dans les livres précédents de Malcolm (notamment Blink) et en ce sens ne sont donc pas très innovantes. A noter celle sur le mythe du talent (investissement à outrance sur les talents en leur donnant une autonomie et un pouvoir presque absolu, les rendant finalement incontrolables, car ne travaillant pas pour l'organisation mais "au-delà" de celle-ci) mise en place à Enron et McKinsey et précipitant la chute du premier !

Extraits:
** Concernant l'histoire de la pilule: "But it is impossible to read it without being struck by the consequences of John Rock's desire to please his Church (that he will quit at the end!). In the past forty years, millions of women around the world have been given the Pill in such a way as to maximize their pain and suffering. And to what end ? To pretend that the Pill was no more than a pharmaceutical version of the rhythm method ?" - p114
** "But the prosecutor was wrong. Enron wasn't really a puzzle. It was a mistery." - p151 (sous entendu tous les éléments d'information étaient disponible pour voir que les résultats de la compagnie n'étaient pas aussi bon que prévus, mais ils étaient cachés au milieu d'une foule d'autres éléments!).

THE TIPPING POINT - Malcolm Gladwell (2000)

Résumé de l'éditeur:
["The Tipping Point - How little things can make a big difference" traduit en français donne "Le Point de bascule - Comment faire une grande différence avec de très petites choses"]
New York, capitale du crime, est soudainement devenue une ville sécuritaire au milieu des années 90. Pourquoi ? Les Hush Puppies, résolument out en 1993, ont reconquis le marché mondial en quelques années à peine. Pourquoi ? Sesame Street, malgré sa mission éducative, a complètement séduit des millions d'enfants dès sa première saison. Pourquoi ? Faisant la genèse de ces succès retentissants, l'auteur, journaliste au New Yorker montre que des changements mineurs, minutieusement planifiés et mis en œuvre, peuvent provoquer de véritables épidémies sociales. Décrivant les oiseaux rares, ces individus exceptionnels qui propagent la tendance, et s'attardant au pouvoir insoupçonné d'infimes éléments de contexte, il explique comment se produit la contagion. Rien ne résiste à son analyse : modes vestimentaires, tabagisme, publipostage, idéologie religieuse, société de haute technologie... pas même la Révolution américaine ! Lecture palpitante, Le point de bascule fournit des points d'ancrage précis à quiconque veut initier un mouvement qui fera boule de neige. Et prouve qu'avec un peu d'imagination et un bon levier on peut faire bouger le monde." Pas de doute, les gens qui liront le livre de Gladwell seront davantage en mesure de décoder leur environnement social. Le point de bascule, plus qu'une lecture passionnante, est une lecture nécessaire. L'ouvrage nous amène à mieux comprendre le monde, tout simplement ", Diane Bérard, rédactrice en chef, Revue Commerce. " Le point de bascule figure parmi mes meilleures lectures des dernières années. C'est un ouvrage fascinant, recherché, écrit de façon brillante, qui vient une fois de plus confirmer les immenses vertus du réseautage. Voilà qui me fait bien plaisir ", Lise Cardinal, auteur de Comment bâtir un réseau de contacts solide et de Réseautage d'affaires : mode d'emploi. " Avec passion et éloquence, Malcolm Gladwell défend l'hypothèse voulant que des changements mineurs, judicieusement conçus et mis en œuvre, puissent avoir des conséquences majeures dans la vie des gens, des entreprises, des communautés ", Barry Glassner, Los Angeles Times Book Review. "Le point de bascule synthétise les concepts propres à divers champs d'études - épidémiologie, psychologie, sociologie et dynamique des groupes - et les applique à une vaste gamme de comportements sociaux et de tendances culturelles. Utilisée à bon escient, une telle connaissance recèle un énorme potentiel ", Paula Geyh, Chicago Tribune. " L'un des aspects les plus intéressants du livre de Gladwell est la façon dont il confirme que nous sommes des êtres profondément sociaux et mutuellement influençables, et ce, en dépit de toute la place qu'occupe la technologie dans nos vies ", Deirdre Donahue, USA Today


Résumé tiré du web:
Le point commun entre tous ces phénomènes est qu’il sont assimilables à des épidémies. Ils s’expliquent par la dynamique particulière qui se créée entre un groupe d’individus, les actions des uns étant influencées par celles des autres. L’épidémie est donc fonction des agents qui transmettent l’infection, souvent en très petit nombre au début, l’infection elle-même, et l’environnement dans lequel l’infection se développe. La plupart des épidémies naissent et meurent sans affecter beaucoup de monde. Lorsque l’épidémie bascule, c’est à dire qu’elle explose, c’est qu’un changement important s’est produit dans l’un des trois facteurs.

Gladwell appelle ces trois facteurs la loi des rares (the law of the few), le facteur d’attachement (the stickiness factor), et la puissance du contexte (the power of context).
  • La loi des rares signifie que dans une dynamique sociale au sens large, certains individus ont plus d’importance que d’autres. Ce sont eux qui vont jouer un rôle moteur dans la bascule, ou non, de l’épidémie. Malcolm en distingue trois principales catégories: les connecteurs (connectors) qui sont les personnes avec un très grand réseau social qui pourront donc "connecter" les personnes de différentes catégories sociales entre elles ; les virtuoses (mavens) qui savent tout sur un sujet et le transmettent aux autres pour les aider (les geeks par exemple en informatique) ; et les représentants (salesmen) qui peuvent persuader de tout. Dans la mode, par exemple, domaine épidémique par excellence, ce seront les faiseurs de tendance, ceux qui sont capables d’influencer la mode de l’été prochain. Ceux que les autres regardent, consciemment ou non, comme une référence en la matière.
  • Le facteur d’attachement est le degré avec lequel le « message » pénètre et persiste dans la population. Dans le domaine de la publicité, ça peut être la force d’un slogan qui touche une corde particulière et de ce fait est retenu avec force, voire même fait partie du patrimoine culturel. Avec le sida, c’est l’évolution du virus, sans doute né dans les années 50, qui dans les années 80 devient beaucoup plus résistant et agressif.
  • La puissance du contexte suggère que l’épidémie se développe ou meurt en grande partie en fonction du contexte dans lequel elle évolue. Dans le cas de la jeune femme assassinée sans réaction des témoins, une étude approfondie a montré qu’il ne s’agissait pas, comme on l’avait initialement pensé, d’un cas typique d’indifférence des grandes villes, mais d’un problème contextuel. Les chercheurs ont en effet montré à l’aide d’expériences que plus il y avait de témoins lors d’un événement grave, moins chacun avait tendance à intervenir pour aider. Chacun pense que l’autre va intervenir, et plus on est nombreux, plus on a de chances d’avoir raison, du moins en théorie. Dans le cas de la jeune fille, personne n’a appelé la police non pas malgré le fait qu’il y avait 38 personnes, mais parce qu‘il y avait 38 personnes.
Ces trois concepts permettent d’expliquer beaucoup de phénomène épidémiques en apparence inexplicables. Prenons un exemple très actuel avec Cindy Sheehan, la mère d’un soldat américain tué en Irak. Jusque très récemment, il était inconcevable aux États-Unis de remettre en question la guerre en Irak. Le faire aurait été une trahison et aucune chaîne de télévision n’aurait pris le risque de le faire. En tout cas jusqu’à il y a quinze jours, où Mme Sheehan s’est installée devant le ranch du Président Bush pour protester. Depuis, l’Amérique entière parle de sa démarche, des milliers de protestataires l’ont rejointe, et le doute s’installe sur le bien fondé de la guerre. D’un point de vue épidémique, le point de basculement semble atteint. Regardons comment cela s’explique:
  • La loi des rares: Mme Sheehan est anonyme, mais elle a réussi à toucher l’Amérique sur son cas personnel. Elle n’est pas une politicienne attaquant le président, mais juste une mère qui a perdu son fils et demande pourquoi. Difficile de l’attaquer sur ce point, et difficile de ne pas s’identifier à sa douleur.
  • Le facteur d’attachement: Environ 70 soldats meurent chaque mois et environ 300 sont blessés, parfois très gravement. Si l’on compte 10 membres de famille proche, et 25 amis, ce sont environ 14.000 personnes par mois qui sont directement touchées par un deuil du à la guerre en Irak. Un nombre suffisamment élevé pour  que l’événement finisse par « coller » dans la population américaine.
  • La puissance du contexte: la dégradation de la situation en Irak, l’augmentation du nombre de soldats tués, l’impression d’enlisement, l’optimisme exagéré du gouvernement, qui tranche avec la situation, tout cela a créé un contexte dans lequel les américains ont commencé à douter, confusément, que tout allait si bien.


Avis:
** Toujours et encore génial ! Chronologiquement, ce livre est le premier de Malcolm Gladwell qui l'a donc rendu célèbre dans le monde.
** Ce qui en fait sa force, comme ses autres livres, est le grand nombre d'anecdotes et d'exemples auxquels il fait référence. Alors bien sûr certaines ne sont plus vraiment d'actualité (déjà plus de 10 ans depuis la parution du livre), mais la manière dont ils sont tout d'abord racontés en mettant en avant l'avant et l'après rupture (beaucoup de crimes à New York - plus du tout de crimes à New York ; pas de suicides en Micronésie - plein de suicides ; ...) et ensuite décryptés et analysés afin d'expliquer les raisons du point de bascule, donne une nouvelle fois un rythme au livre et une envie brûlante de tourner les pages et d'en apprendre plus.
** Car, pour finir, le dernier enseignement de ce livre est qu'en plus d'offrir une agréable lecture, il nous permet d'en apprendre plus sur le monde et surtout sur les événements qui nous entourent, nous donnant certaines clés et méthodes afin de favoriser le basculement de nos idées, nos solutions ou nos organisations ! Avoir du réseau et savoir l'utiliser en est une déjà bien connue, limiter les organisations à un nombre clé de 150 personnes en une autre plus innovatrice ! 

BANGKOK EIGHT - John Burdett (2003)

Résumé:
Le district numéro 8 de Bangkok présente un sacré bestiaire humain : épaves crackées, ex-Khmers rouges dealers d'amphés, transsexuels et autres filles de joie... Un folklore dont l'inspecteur Sonchâi Jitpleecheep n'a aucun mal à maîtriser les codes. Ce métis, fruit de l'amour hasardeux entre un G.I. américain et une fille des bars thaïs, a d'ailleurs choisi une méthode d'investigation bien particulière : c'est Bouddha qui l'inspire et le guide dans ses enquêtes. Et même si son goût prononcé pour les paradis artificiels et l'amour tarifé lui font prendre quelques libertés avec l'ascétisme karmique, celui qu'on surnomme le "flic moine" met un point d'honneur à combattre le crime et la corruption qui gangrènent la mégalopole thaïlandaise. Un polar à l'atmosphère urbaine étouffante sous la plume d'un John Burdett au meilleur de sa forme.
Auteur:
Avocat de formation, John Burdett a travaillé à Hong Kong dans un cabinet juridique britannique avant de devenir écrivain. Grand bourlingueur, il a vécu successivement en France et en Espagne avant de s'installer de nouveau en Asie. John Burdett est l'auteur de quatre romans, dont Bangkok 8 et Bangkok Tattoo, qui a paru en Angleterre en 2005.


Avis:
 
** Un bon, mais pas excellent, thriller. L'intrigue et les rebondissements sont là, mais il manque un peu d'actions et de rythme par moment à l'histoire.
** Cela dit c'est pour favoriser un deuxième objectif qui est de nous plonger profondement dans l'atmosphère sombre et parfois irrespirable de Bangkok. Et de ce côté-là, c'est plutôt vraiment très bien réussi ! Donc un polar noir plutôt qu'un polar à suspense.
** Ainsi, l'espace d'un livre, l'auteur arrive à nous faire vivre au beau milieu de Bangkok avec sa pègre, ses policiers corrompus, ses traffics de drogue et le sexe qui est au centre, à le lire, des intérêts de toute une ville (aussi bien pour les locaux que pour les touristes de passage).


Extraits:
** " The sex industry's annual turnover is double the Thai government's annual budget. (Wow!) Only an estimated 2.5 per cent of all Thai sex workers work in bars and 1.3 per cent in massage parlours. The remaining 96.2 per cent work in cafés and barbershops and brothels only rarely patronized by non-Thai clients. In fact most of the country's sex industry is invisible to the visiting foreigner and it is thought that Thai-to-non-Thai transactions represent less than 5 per cent of the total" - p299
** "True enough, in a kingdom without safety nets a citizen may well be brutally flattened by accident or illness, where a Western might have bought himself a measure of protection, but in between the bumps a Thai still lives his life in a state of sublime insouciance. The standard Western observation is that the Thai is living in a fool's paradise. Perhaps, but might the Thai not reply that the Westerner has built himself a fool's hell ?" - p380

LE CHAGRIN DES CLASSES MOYENNES - Nicolas Bouzou (2011)

Résumé de l'éditeur:

"C'est l'histoire d'un aveuglement. D'une évolution dont les élites politiques refusent de prendre acte, mais que les principaux intéressés (la majorité des Français !) subissent et ressentent dans leur chair. Notre pacte social a fait la part belle aux classes moyennes qui, c'était entendu, bénéficieraient année après année de rémunérations de plus en plus élevées. Tel est le fil censé guider nos vies. On doit pouvoir accéder au crédit, s'acheter une voiture, puis un logement. On travaille, on progresse, on ressemble à ses voisins, à ses cousins, à ses anciens camarades d'école : on ne se refuse pas grand-chose, on pense aux vacances plusieurs mois à l'avance. Eh bien, braves gens, préparez-vous à la dure vérité des faits et des chiffres : ce modèle est mort."
Voici le portrait saisissant d'une France à un moment clé de son histoire économique et sociale. Une France où même certains "notables" ont parfois du mal à boucler leurs fins de mois. Car désormais, nul n'est à l'abri.

Résumé tiré du web:

1) Le diagnostic du « chagrin » des classes moyennes :

Ce qu’analyse avec justesse Nicolas Bouzou c’est que la mondialisation produit une vraie fragmentation de la classe moyenne: en son sein, entre les plus aisés et les moins aisés, le fossé grandit et les destins individuels se séparent de plus en plus. Suivant les capacités de chacun à pouvoir se remettre en cause et à s’adapter à l’évolution du marché du travail et aux nécessités de l’entreprise, des personnes avec des profils parfaitement identiques seront à terme (il prend l’exemple de comptables, d’ingénieurs, d’avocats mais également de médecins) soit menacés de « déclassement », soit happés dans une dynamique ascensionnelle qui leur permettra de tirer les fruits pécuniaires des bienfaits de la mondialisation des talents et des compétences. Et d’évoquer la fin des « notables », ou des emplois sans risque (instituteurs). Le diagnostic est juste, surtout lorsqu’il montre que cette dynamique est le fruit paradoxal de la montée en puissance des anciens pays du tiers monde, avec au premier rang les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) - mais sans doute un jour l’Afrique - , au sein de l’économie mondiale.


Il s'attard un peu plus sur la Chine qui est un exemple particulièrement structurant: la libéralisation en 1978 du secteur argicole a permis de soutenir l'exode rural, conduisant au renforcement  de l'industrie qui  a trouvé des débouchés avec le commerce international au sein des zones économiques spéciales (ZES) avant qu'un mouvement sans précédent de privatisation des conglomérats dans les années 1990 achève le processus. Résultat, "La Chine est donc pour nous à la fois une chance et une menace. En même temps, elle nous offre des perspectives de croissance inespérées et désintègre notre tissu social en contribuant à la fragmentation de notre classe moyenne. Et l'atelier du monde n'a pas fini de grossir. Il monte en gamme, délaissant progressivement les secteurs traditionnels (...) pour des secteurs à plus forte valeur ajoutée."


Mais l’auteur pèche cependant : il fait l’impasse sur la situation de la fonction publique. Au sein des destins professionnels qu’il brosse sans complaisance, les fonctionnaires qui sont par excellence des insiders ne sont pas évoqués, pas plus que le constat lucide de leur poids au sein d’un PIB dominé à 55% par les dépenses publiques et leurs implications budgétaires. Tout au plus relève-t-il le rôle délétère aujourd’hui de certaines politiques publiques comme le logement, dans un chapitre éclairant « Quand l’Etat enfonce les classes moyennes  ». Il y fait le constat de l’échec actuel de la politique du logement, reposant sur une politique de la demande (aide à l’accession à la propriété) alors qu’il aurait fallu une politique raisonnée de l’offre (augmentation des aides à la construction, donc au BTP et aux promoteurs). Mais on aurait aimé qu’au-delà du diagnostic, l’auteur aille jusqu’à proposer des solutions plus variées, en particulier proposer quelques économies à pratiquer dès-à-présent au sein de la dépense publique. Au contraire il en reste à préconiser une « déréglementation » des professions réglementées (vétérinaires, taxis, notaires) dans le prolongement des études menées par Francis Kramartz et Pierre Cahuc (2007).

2) Rien ne sert de « taxer plus les riches »:

Pour préparer les classes moyennes à affronter la mondialisation, le message de Nicolas Bouzou aux pouvoirs publics est clair : si les situations de rentes et les emplois protégés sont condamnés à disparaître, la solution à leur angoisse ne réside pas dans une politique fiscale visant à taxer plus les riches. La raison en est simple, avec un taux de prélèvements obligatoires de 44%, il n’est plus temps d’alourdir la pression fiscale sur les contribuables : ni par la consommation puisque l’on touche les plus modestes de plein fouet, ni sur les plus riches parce qu’ils sont également les plus mobiles, ni sur les classes moyennes qui sont précisément les plus déstabilisées par la globalisation : « Dans une société qui éclate, raisonner simplement en termes de redistribution fiscale est une chimère. Il faut prendre les problèmes bien plus en amont » (p.209). Par ailleurs, ne pas toucher à l’ISF ("l’impôt d’avenir de Piketty") serait une erreur, toute simplification de notre fiscalité est bonne à prendre dans la mesure où afin de maintenir une certaine « compétitivité fiscale », la France a dû multiplier la complexité de ses dispositifs dérogatoires. Reste donc à l’Etat à modifier en profondeur sa stratégie qui en définitive, même si l’auteur se garde bien de le dire explicitement, doit faire décroître inéluctablement son périmètre. Il propose à la place, l’édification d’un nouveau pacte social entre les entreprises, la société civile et l’Etat. Bref, appelle à la mise en place d’une sorte de « Big Society » à la française :
- Côté entreprises, celles-ci devront s’engager à développer une offre rigoureusement différentiée afin de répondre à une demande beaucoup plus diversifiée pour une société éclatée : montée en gamme et le développement du low cost et du hard discount  : « les marchés du haut de gamme et de l’entrée de gamme vont continuer à s’élargir. Le moyenne gamme va rétrécir. »
- Côté Etat, une remise en cause de son caractère « providentiel » et surtout renoncer au levier égalitariste de la politique fiscale : «  la redistribution via l’impôt est essentielle dans une démocratie. Mais elle est imparfaite, forcément limitée et ne traite le problème que très en aval. »
- Enfin côté Société civile, celle-ci a « certainement son rôle à jouer ; c’est cet évergétisme hérité de la Grèce antique et de Rome et remis à la mode américaine qui permet de lever des milliards de $ pour les bonnes causes. » L’auteur plaide donc pour la multiplication des fondations et le développement des dons et du tiers secteur.

 

Conclusion :

L’approche de Nicolas Bouzou est donc lucide et stimulante en disqualifiant par essence la question du « grand soir » fiscal. Au contraire de Piketty, Landais et consorts (cf. le livre "Pour une révolution fiscale"), la seule disposition fiscale qu’il envisage est un alourdissement des droits de succession, dans une perspective cherchant à favoriser la new money sur l'old money, selon l’acception américaine. C’est ce qu’il appelle une politique de « combat de la rente »… une politique propice à la création d’emplois qui devrait se conjuguer avec une nouvelle remise à plat des relations entre l’Etat et les entreprises. En définitive le principal constat de l’ouvrage réside dans la proposition suivante : la solution au « chagrin » des classes moyennes réside avant tout dans le dynamisme et l’innovation des individus qui les composent… Classes moyennes, bougez-vous !


Auteur:

Nicolas Bouzou est économiste. Il enseigne à Paris II-Assas et dirige le cabinet de conseil Astérès. Il intervient régulièrement dans les médias.


Avis:

 
** Très bon livre d'économie pratique truffé d'exemples et de cas concrets, presque à l' "américaine" ! Le contenu reste également assez proche des idées d'outre atlantique et donc libéral sans être toutefois excessif dans ce sens (avec des idées à la fin du livre pour tout type de gouvernement: gauche, droite, centre).
** Même si l'on peut rester un peu sur sa faim par rapport au titre en attendant des solutions pour sauver les classes moyenne. En effet, Nicolas Bouzou enterre dès le départ cette possibilité, même s'il donne malgré tout des pistes pour améliorer notre sort dans le futur.
** Tous les sujets abordés sont d'actualité et supportés par de nombreux exemples de notre vie courante (cf. les citations ci-dessous): consommation, logement, imposition, .... C'est ce qui en fait un livre d'économie vraiment très agréable à lire, loin des essais scolaires et proche d'une analyse sociologique de notre société actuelle. Seul point négatif, tous ces nombreux sujets ne donne finalement pas d'idée directrice au livre et il en ressort "seulement" une association de bonnes idées.


Citations:


**"Pis, ce délitement des classes moyennes est inéluctable, mû par des causes, la mondialisation et le progrès technique, qui s'imposent à tous les pays développés et qui, suprême ironie, constituent une chance extraordinaire pour le bien-être de l'humanité, puisqu'elles sont synonymes de croissance et de recul de la pauvreté dans bien des pays (des millions de Chinois et d'Indiens peuvent en témoigner). L'enjeu n'est donc pas de vouloir sauver les classes moyennes, car une telle lutte est perdue d'avance et ne conduirait à rien d'autre qu'à un gaspillage de ressources intellectuelles et financières, et à une grande régression. On ne sauve pas le produit d'un monde disparu ! Le véritable enjeu est double: il est de faire en sorte que des deux grands blocs qui composent nos sociétés, celui des riches et celui des autres, le premier soit le plus fourni ; l'enjeu est aussi de rendre la société plus fluide, pour que ceux d'en bas puissent monter plus haut." - p17
** "L'essor de ce que les Américains appellent le charity business l'illustre. Pratiquer la charité, comme le faisaient les riches de la Rome impériale, est un bon moyen d'améliorer son image, de développer son réseau, d'étendre son pouvoir. Pratiquer la charité, en donnant à des fondations par exemple, c'est se priver d'une partie de son revenu à court terme, mais c'est aussi renforcer sa capacité à en recevoir à plus long terme. Cela ne signifie pas que la charité ne relève que de l'intérêt. Il y a sans doute une part de générosité dans le développement du charity business. Mais oublier les motivations autres relèveraient d'un naïveté coupable et passerait à côté d'un aspect important de la question." - p51
** "Il y a des pelletées de secteurs qui se sont offert un lobbying suffisament efficace pour convaincre nos parlementaires et nos gouvernements d'en vérouiller l'accès [...]. Pharmaciens, taxis, vétérinaires ou notaires bénéficient de ces privilèges qui leur permettent de pratiquer des prix (et donc des marges) plus élevées que dans le cas où ils opéreraient dans un environnement véritablement concurrentiel. C'est une des raisons qui explique pourquoi les prix des services continuent d'augementer, alors que ceux des biens, soumis aux rudes lois de la concurrence, stagnent. Ainsi, une inflation moyenne de 2% masque des évolutions relativement très différentes: les prix des produits high-tech chutent, ceux des biens sont en légère baisse, ceux des service augmentent." - p94
**"Et quand les prix de la viande augmente, la faute en revient essentiellement aux pays émergents et à leur demande gloutonne. La mondialisation qui fait baisser les prix des produits manufacturés fait augmenter ceux de l'alimentation!" - p96
** "Si l'eau est de plus en plus rare, elle doit être de plus en plus chère, pour ne plus être gaspillée. C'est la voie écologiste de la raison ... mais qui va à l'encontre des intérêts des classes moyennes." - p99
** "Pourtant, la situation du marché du logement n'a rien d'inéluctable. Pour un économiste, si des prix augmentent ou restent trop élevés, entraînant une pénurie, c'est que le marché est entravé dans son fonctionnement. Cest que l'offre est contrainte. C'est que, pour tout un ensemble de raisons, on ne construit pas assez de logements. Car dans un marché qui fonctionnerait correctement, la hausses des prix constituerait le signal d'une rareté, et donc d'une opportunité de profit pour le promoteurs immobiliers, lesquels devraient construire davantage pour augmenter leurs profits ! [...] Depuis l'après-guerre; les gouvernements successifs ont identifié une "crise" du logement. Entendez : les prix des logements sont trop élevés, il faut donc donner davantage de moyen aux ménages pour qu'ils puissent accéder à la propriété. erreur de raisonnement classique mais funeste comme le sait n'importe quel étudiant de première année en sciences-éco. Car en prétendant offrir davantage de moyens aux ménages, on accroît la demande. Or accroître la demande quand l'ordre est insuffisante, c'est accentuer un déséquilibre existant. c'est pousser un peu plus les prix à la hausse ! [...] J'ai montré ailleurs, reprenenant en cela une littérature économique abondante, comment les politiques monétaires, en permettant des taux d'intérêt excessivement bas, créaient des bulles sur les marchés immobiliers. [...] A la vérité, plusieurs études, en Europe comme aux Etats-Unis, ont montré que les déficits de logement étaient le produit d'une politique mathusienne en matière d'occupation des sols. Sous couvert de protection de l'urbanisme, de lutte contre l'étalement urbain ou de congestion des villes, on limite les nouvelles constructions au maximum. Comme si l'on ne pouvait pas faire du beau avec du moderne, comme si nouveauté et tradition ne pouvaient se mélanger pour le meilleur, comme si la densité était mauvaise en soi." - P106 à 110
** "En effet, la plupart des pays qui ont réduit de façon significative et durable leur dette publique l'ont fait en diminuant progressivement la dépense publique. Augmenter massivement les prélévememnets obligatoires, au contraire, se révèle contre-productif pour une raison simple: l'alourdissement des impôts affecte les incitations à consommer et à investir, en un mot, la croissance." - p117
** "Si l'on additionne les impôts directs (impôts sur le revenu, CGS, CRDS, taxe d'habitation, ...), les impôts indirects (TVA, taxe intérieure sur les produits pétroliers, droits de mutation, ...), les cotisations sociales (salariales et patronales), et les impôts qui pèsent sur les entreprises, on obtient une somme qui représente 44% du PIB. Ce qui signifie que quasiment la moitié des richesses produites en France chaque année est prélévée par l'Etat, pour lui-même ou pour être redistribuée. C'est énorme dans l'absolu, et c'est plus que chez la plupart de nos voisins (seuls le Danemark et la Suède nous surpassent). Autres spécificité française: la fiscalité y repose en grande partie sur le travail, via les cotisations sociales." - p120
** "Cette concurrence fiscale contraint considérablement les choix des gouvernements en matière de fixation des taux d'imposition. Il existe une solution théorique à cela: l'harmonisation fiscale entre les Etats [...] qui n'adviendra pas ...." - p125
** "Les Américains conçoivent trois nouvelles institutions: Le Fond Monétaire International (qui prête aux pays en crise en contrepartie de "conditionnalités" qui exigent la réduction des droits de douane et de subventions publiques et la libéralisation des marchés financiers), la Banque mondiale (qui prête aux pays pauvres afin de financer d'importants projets d'investissement et d'infrastructure) et le General Agreement on Tarifs and Trade - le GATT qui deviendra plus tard l'Organisation Mondiale du Commerce (qui est l'enceinte de négociation qui doit aboutir à la diminution des droits de douane et donc au développement du libre-échange entre les pays adhérents." - p140
** "Le Mozambique, par exemple, présente des performances économiques "à la chinoise", avec 8% de croissance en moyenne chaque année depuis 10 ans." - p158
** "La théorie économique moderne va encore plus loin, en affirmant que, même dans un monde où tous les individus de tous les pays disposeraient exactement des mêmes capacités, le libre-échange resterait profitable. Chaque pays aurait intérêt à se spécialiser dans un secteur, quitte à le choisir hasard, pour bénéficier d'un marché plus important que son simple marché national, et réaliser ainsi des économies d'échelle." - p161
** "La position officielle, celle des grandes organisations internationales comme le FMI ou l'OCDE est bien celle-ci: la montée des inégalités et, partant, les déboires des classe moyennes, sont largement indépendantes de la mondialisation. Pour elles, ces difficultés émanent quasi exclusivement des mutations technologiques. Pourtant cette assertion est fausse. Ce n'est pas la nouvelle révolution industrielle qui dissout les classes moyennes, c'est le mariage entre la mondialisation et le progrès technique. Ces deux aspects sont indissociables." - p173
** "Les entreprises devront, ces prochaines années, avoir cette contrainte à l'esprit: les marchés du haut de gamme et de l'entrée de gamme vont continuer de s'élargir." - p 217
** Politiques: la gauche doit se réapproprier le thème de l'éducation ; la droite doit enfin combattre la rente ; le centre doit pousser la décentralisation. - last chapter

mardi 19 juillet 2011

GEISHA - Arthur Golden (1997)

Résumé:
L'histoire se déroule au Japon pendant la période qui s'étale de la crise de 1929 à la fin de la seconde guerre mondiale.
L’auteur, américain mais qui a vécu au Japon, nous décrit l’itinéraire d'une petite fille pauvre (Chiyo) vendue par son père à une "okiya", c’est à dire une maison de plaisir, à Kyoto, et qui deviendra une très célèbre Geisha.
Il nous montre comment une jeune fille qui va faire ses débuts d'apprentie Geisha est en quelque sorte une chenille qui se transforme en papillon. Nous vivons à travers la jeune Sayuri toutes les initiations propres à la fonction: le maintien, le chant, la danse, l'amour, la cérémonie du thé -oh combien importante! Les intrigues entre Geishas, l'achat véritablement de la jeune femme par un "danna"(un "protecteur" en quelque sorte), tout est conté avec détails et précision pour nous apprendre que la gheisha n'est pas vraiment une prostituée mais une femme entretenue, dépendant totalement de son "danna", dont le métier est d’aller de fête en fête, d'agrémenter les soirées par sa grâce et ses talents, et en fin de compte, de plaire aux hommes. Le livre a été publié en 1997 et fût ensuite adapté au cinéma en 2005 par Rob Marshall avec "Mémoires d'une geisha".


 
Auteur:
Arthur Golden est un écrivain américain né en 1956 à Chattanooga, dans le Tennessee.
Diplômé de Harvard en histoire de l'art japonais et titulaire d'une maîtrise en histoire du Japon de l'Université de Columbia, où il a aussi appris le mandarin, il enseigne maintenant la littérature et les techniques d'écritures à Boston. Peu modeste, il s'est qualifié à 40 ans comme un des romanciers les plus talentueux de sa génération.
L'œuvre qui l'a rendu célèbre est Geisha (Memoirs of A Geisha), vendu à plus de 4 millions d'exemplaires en langue anglaise et traduit en 32 langues. Ce roman raconte la vie d'une geisha, sans aucun tabou.

Avis:


** Tout simplement magnifique ! Arthur Golden nous entraîne véritablement dans l'univers japonais de Kyoto à l'orée de la seconde guerre mondiale.
** Le Japon et ses traditions sont très secretes et l'auteur nous les fait découvrir avec plein de respect et de réalisme. Loin d'une mise à nue, il restranscrit avec beaucoup de pudeur le monde et la vie d'une geisha de l'époque.
** La fin souffre peut-être d'un peu de longeurs, notamment avec le début de la seconde guerre mondiale et ses boulversements impactant toutes les strates de la société, même le monde des geishas ... Cela dit, cela rajoute encore au réalisme de cette biographie-fiction.