mardi 19 juillet 2011

GEISHA - Arthur Golden (1997)

Résumé:
L'histoire se déroule au Japon pendant la période qui s'étale de la crise de 1929 à la fin de la seconde guerre mondiale.
L’auteur, américain mais qui a vécu au Japon, nous décrit l’itinéraire d'une petite fille pauvre (Chiyo) vendue par son père à une "okiya", c’est à dire une maison de plaisir, à Kyoto, et qui deviendra une très célèbre Geisha.
Il nous montre comment une jeune fille qui va faire ses débuts d'apprentie Geisha est en quelque sorte une chenille qui se transforme en papillon. Nous vivons à travers la jeune Sayuri toutes les initiations propres à la fonction: le maintien, le chant, la danse, l'amour, la cérémonie du thé -oh combien importante! Les intrigues entre Geishas, l'achat véritablement de la jeune femme par un "danna"(un "protecteur" en quelque sorte), tout est conté avec détails et précision pour nous apprendre que la gheisha n'est pas vraiment une prostituée mais une femme entretenue, dépendant totalement de son "danna", dont le métier est d’aller de fête en fête, d'agrémenter les soirées par sa grâce et ses talents, et en fin de compte, de plaire aux hommes. Le livre a été publié en 1997 et fût ensuite adapté au cinéma en 2005 par Rob Marshall avec "Mémoires d'une geisha".


 
Auteur:
Arthur Golden est un écrivain américain né en 1956 à Chattanooga, dans le Tennessee.
Diplômé de Harvard en histoire de l'art japonais et titulaire d'une maîtrise en histoire du Japon de l'Université de Columbia, où il a aussi appris le mandarin, il enseigne maintenant la littérature et les techniques d'écritures à Boston. Peu modeste, il s'est qualifié à 40 ans comme un des romanciers les plus talentueux de sa génération.
L'œuvre qui l'a rendu célèbre est Geisha (Memoirs of A Geisha), vendu à plus de 4 millions d'exemplaires en langue anglaise et traduit en 32 langues. Ce roman raconte la vie d'une geisha, sans aucun tabou.

Avis:


** Tout simplement magnifique ! Arthur Golden nous entraîne véritablement dans l'univers japonais de Kyoto à l'orée de la seconde guerre mondiale.
** Le Japon et ses traditions sont très secretes et l'auteur nous les fait découvrir avec plein de respect et de réalisme. Loin d'une mise à nue, il restranscrit avec beaucoup de pudeur le monde et la vie d'une geisha de l'époque.
** La fin souffre peut-être d'un peu de longeurs, notamment avec le début de la seconde guerre mondiale et ses boulversements impactant toutes les strates de la société, même le monde des geishas ... Cela dit, cela rajoute encore au réalisme de cette biographie-fiction.

LE MONDE DE SOPHIE - Jostein Gaarder (1995)

Résumé:
Tout commence le jour où Sophie Amundsen, une jeune fille de quinze ans, trouve dans sa boîte une lettre qui lui est adressée, et sur laquelle n'est inscrite qu'une seule phrase : « Qui es-tu ? ». Puis une autre où est écrit : « D’où vient le monde ? » Questions essentielles à toutes philosophies. Elle se retrouve ainsi catapultée, un peu malgré elle, dans un monde philosophique comprenant les cours de philosophie donnés par l'énigmatique Alberto Knox, qui a le don de faire comprendre à Sophie (et aux lecteurs aussi donc) la philosophie, les courants, les visions du monde, les personnages en fait passionnants de cette discipline à première vue rébarbative et ennuyeuse. Ainsi commence, sous la forme d'un roman d'aventure, un voyage au pays des philosophes, en quête de réponses dans une longue visite des principales figures de la philosophie: de Socrate à Sartre en passant par Platon, Aristote, Descartes, Spinoza, Hegel et bien d’autres. Mais au fil de l’histoire des faits troublant apparaissent, à commencer par des cartes reçues par Sophie qu’elle doit faire joindre à une inconnue nommée Hilde MØller Knag et les mystérieuses manifestations du père de cette dernière, Albert Knag.

" Qu'est-ce qu'il y a de plus important dans la vie ? Tous les hommes ont évidemment besoin de nourriture. Et aussi d'amour et de tendresse. Mais il y a autre chose dont nous avons tous besoin : c'est de savoir qui nous sommes et pourquoi nous vivons. "



Résumé des grandes visions / philosophes abordés:
- L'auteur commence l'histoire de la philosophie par les mythes de l'antiquité grecques. Puis avec les premières philosophes de l'Occident: Démocrite, Socrate, Platon et Aristote.
- Ils passent ensuite rapidement la période du Moyen Âge pour arriver jusqu'à la Rennaissance et le Baroque.
- Les visions philosophiques détaillées ensuite sont celles de Descartes, Spinoza, Locke, Hume, Berkeley avant d'arriver ensuite au siècle des Lumières.
- Pour finir avant d'évoquer l'époque contemporaine, l'auteur s'attarde également sur les pensées de Kant, Hegel, Kierkegaard, Marx, Darwin et Freud.


Auteur:
Jostein Gaarder est né en 1952 à Oslo. Après avoir enseigné la philosophie et l'histoire des idées à Bergen en Norvège, il se consacre aujourd'hui à sa carrière littéraire et a créé une fondation de défense de l'environnement. Il connaît, dans son pays, un succès unanime pour une œuvre d'une profonde originalité. C'estLe Monde de Sophie qui l'a définitivement consacré auprès de la critique et du grand public, en Norvège et à l'étranger (Allemagne, Suède, Italie, USA, France, etc...).


Avis:
** Ce gros livre est parfait pour se retracer l'histoire de la philosophie depuis les antiques Grecques jusqu'à l'époque contemporaine.
** Malgré un sujet (l'histoire de la philosophie et chacun de ses courants) pas forcément toujours passionnant, l'auteur réussi à rendre sa lecture très agréable grâce à une trame narrative proche du roman (l'histoire d'une petite fille découvrant de nouvelles visions du monde à travers une foule de personnage, le tout relaté par un professeur "assez" énigmatique).
** Après son originale découverte, la trame narrative devient petit à petit répétitive et la fin du livre est un peu longue, malgré des rebondissements assez inattendus ...
** On pourra regretter également que l'histoire de la philosophie se borne à celle de l'Occident et n'aborde pas celle des autres parties du monde (du côté de l'Orient par exemple avec Confucius ou les philosophes chinois).

lundi 18 juillet 2011

L'ETRANGER - Albert Camus (1942)

Résumé de l'éditeur:
Condamné à mort, Meursault. Sur une plage algérienne, il a tué un Arabe. À cause du soleil, dira-t-il, parce qu'il faisait chaud. On n'en tirera rien d'autre. Rien ne le fera plus réagir : ni l'annonce de sa condamnation, ni la mort de sa mère, ni les paroles du prêtre avant la fin. Comme si, sur cette plage, il avait soudain eu la révélation de l'universelle équivalence du tout et du rien. La conscience de n'être sur la terre qu'en sursis, d'une mort qui, quoi qu'il arrive, arrivera, sans espoir de salut. Et comment être autre chose qu'indifférent à tout après ça ?
Étranger sur la terre, étranger à lui-même, Meursault le bien nommé pose les questions qui deviendront un leitmotiv dans l'oeuvre de Camus. De La Peste à La Chute, mais aussi dans ses pièces et dans ses essais, celui qui allait devenir Prix Nobel de littérature en 1957 ne cessera de s'interroger sur le sens de l'existence. Sa mort violente en 1960 contribua quelque peu à rendre mythique ce maître à penser de toute une génération.


Analyses tirés du web (Wikipédia):
Le personnage principal, mystérieux, ne se conforme pas aux canons de la morale sociale, et semble étranger au monde et à lui-même. Meursault se borne, dans une narration proche de celle du journal intime (l’analyse en moins), à faire l’inventaire de ses actes, ses envies et son ennui. Il est représentatif de l’homme absurde peint dans Le Mythe de Sisyphe, l’absurde naissant « de cette confrontation entre l’appel humain et le silence déraisonnable du monde ».
L’écriture du roman, particulièrement neutre et blanche, fait la part belle au passé composé, dont Sartre dira qu’il « accentue la solitude de chaque unité phrastique ». Le style ajoute donc à la solitude de ce personnage face au monde et à lui-même.


Sans doute Camus, par ce roman du « cycle de l’absurde », a-t-il transposé sur le plan romanesque la théorie du Mythe de Sisyphe. C’est du moins la lecture immédiate que l’on peut faire de ce récit, celle que Sartre a fort bien éclairé dans Situations I. L’existence ici-bas n’a pas de sens. Les événements s’enchaînent de manière purement hasardeuse, et c’est une sorte de fatalité qui se dresse devant nous. C’est pourquoi Meursault se borne à faire l’inventaire des événements de manière froide, distante, comme si ceux-ci survenaient indépendamment de toute volontée. Mais Meursault reste un personnage positif, qui s’accommode parfaitement de cette existence. Aussi ne triche-t-il pas avec la vérité, devant Marie Cardosa ou le tribunal. Non qu’il manifeste ainsi un quelconque orgueil : simplement, il accepte les choses telles qu’elles sont et ne voit pas l’intérêt de mentir aux autres ou à lui-même ... cela le menant même jusqu'au châtiment ultime sans qu'on n'ait l'impression qu'il ne cherche à aucun moment à l'éviter !


Avis:
** Changement de type de roman, avec ce roman philosophique, grand classique de la littérature française.
** Ce roman se lit très facilement et rapidement. L'Absurde (ou la bêtise du personnage) saute très vite aux yeux du lecteur. Il faut donc prendre un peu de recul durant la lecture pour comprendre où l'auteur veut nous mener .. et cette fatalité absurde (ou absurde fatalité) poussée à l'extrême va jusqu'à nous frustrer quelque peu et nous donner envie de secouer le narrateur dans son falgrant déli de passivité objective !

LA FRANCE EST-ELLE FINIE ? - J.P. Chevènement (2011)

Résumé de l'éditeur:
La France va-t-elle se résigner à sortir définitivement de l’Histoire pour devenir un simple parc d’attractions, à l’extrémité occidentale d’une Europe elle-même marginalisée? Ou bien trouvera-t-elle la force de redevenir la nation de citoyens dont elle a fourni le modèle, pour offrir un avenir à sa jeunesse et continuer son histoire ?

Dans ce livre décapant, Jean-Pierre Chevènement éclaire le chemin par lequel nous en sommes arrivés là. Au moment où la monnaie unique, créée il y a vingt ans à Maastricht, prend l’eau, il montre comment le «pari pascalien» de François Mitterrand sur un au- delà des nations appelé «Europe» n’a pas seulement recouvert le ralliement de la gauche française au néo- libéralisme, mais s’enracine dans un doute plus ancien de nos élites sur la France.

Méditation sur le destin de notre pays entre de Gaulle et Mitterrand, il rend enfin lisible, dans toute sa cohérence, l’histoire de notre dernier siècle. Il fournit ainsi les clés qui peuvent permettre un retour de la France du XXIe siècle au premier rang des nations.


Résumé tiré du web:
Jean-Pierre Chévènement est au nombre des hommes politiques, aujourd’hui peu nombreux, qui savent écrire autre chose que des réponses bâclées  aux questions posées par  des journalistes à la recherche d’un tirage. Son parcours est jalonné par des ouvrages qui font le point de ses réflexions et de ses expériences. C’est ce qu’il appelle, d’après Alain cité par Claude Nicolet,  la « République intérieure ». Une «  exigence de tous les instants », qui «  se résume au devoir de penser ». « Elle implique de la part du citoyen culture, lucidité, patriotisme et surtout courage et mise en conformité de l’action avec la pensée ».
Son dernier livre, « la France est-elle finie ? »,  illustre une nouvelle fois cette capacité. Pour ceux qui comme moi ont suivi de près son itinéraire politique c’est un livre captivant, tant par les retours qu’il fait sur le passé que par les perspectives qu’il esquisse en direction du futur.
La composition du livre est complexe. Les chapitres successifs sont tous accrochés à des espaces de temps spécifiques qui vont de 1940 à 2040 et se chevauchent les uns les autres. J’y distingue pour ma part trois grandes parties. La première (chapitres I à IV) est consacrée à l’action menée par la gauche de 1971 à 1995. La seconde ( V à IX) est une analyse des évolutions et  contradictions du néolibéralisme au cours  des deux dernières décennies. La troisième enfin (X à XIV) cherche à définir ce que pourrait être « le grand pari  sur la France » au 21ème siècle.
Quelques mots clés, qui reviennent très souvent : François Mitterrand, l’Europe, l’Allemagne, la République et bien entendu la France. Mais aussi une absence : le socialisme.

François Mitterrand
Il est frappant d’observer  chez Jean-pierre Chévènement une véritable fascination vis à vis de François Mitterrand. Complices au congrès d’Epinay les deux hommes se sont par la suite affrontés à plusieurs reprises. Ils ont divergé gravement lors de la première guerre d’Irak, puis du referendum sur le traité de Maastricht. Mais ils ont toujours eu l’un pour l’autre une estime réciproque. Elle se manifestait déjà, fortement, dans l’un des derniers livres de Jean-Pierre Chévènement, « Défis républicains » (Fayard, 2004) dont le premier chapitre, sous un titre quelque peu sybillin ( « François Mitterrand, il était… »), laisse passer une évidente charge affective. On la retrouve dans ce nouveau livre, où Mitterrand est présent presqu’à chacune des cent premières pages, non sans contradiction d’ailleurs.
Comment en effet peut-on à la fois dire que François Mitterrand aura été, avec le général de Gaulle, l’un des deux grands hommes d’Etat français du 2Oème siècle, et lui reprocher le « pari pascalien » consistant à avoir choisi l’Europe, même si ce dût être contre la France ?
Pour Chevènement, en effet c’est l’Europe qui aura été, à partir de 1983 le grand choix de François Mitterrand, choix qui trouve sa racine dans le souvenir de la défaite de 1940, mythe de substitution au projet de transformation sociale qui l’avait porté au pouvoir en 1981, contrainte imposée à Helmut Kohl en échange de la réunification allemande au début des années 90, empreinte qu’il voulait laisser et qu’il aura laissée dans l’histoire. « François Mitterrand voulait rester comme un grand européen. Et il le restera sans doute, à long terme, quand nous serons tous morts » (p92).
Mais, et peut être Mitterrand n’en a-t-il pas eu suffisamment conscience, ce choix européen s’est fait au prix de l’acceptation des postulats du néolibéralisme. Le pas décisif a été franchi en 1985 par le traité de Luxembourg, plus connu sous l’appellation d’Acte Unique, qui libéralise totalement les mouvements de capitaux et va permettre à   la commission européenne d'ouvrir progressivement à  la concurrence l'ensemble des activités économiques.
L’étape suivante sera celle du traité de Maastricht et de l’instauration de la monnaie unique. Mitterrand aura voulu la monnaie unique, qui, pour lui, permettait d’arrimer l’Allemagne à l’Europe. Il n’aura en revanche pas connu la suite.
Chevènement, lui, l’aura connue et commentée. Sa  réflexion sur l’Europe et son avenir, le rôle que la France pourrait y jouer en regard de celui de l’Allemagne, irrigue l’ensemble de l’ouvrage.

L’Europe
Chevènement n’est pas anti-européen. Mais il est européen à sa manière, en décalage assez radical avec les normes et pratiques  bruxelloises. Les évènements de ces  dernières années ne lui donnent pas tout à fait tort.
Lui même, et j’avais déjà eu l’occasion de lui en faire malicieusement la remarque, n’a pas vu venir tout de suite le tournant néolibéral de l’Europe. Il a approuvé l’Acte unique, d’abord en Conseil des ministres (1985), ensuite en votant la loi approuvant le traité (1987). Il explique dans son livre que, ministre de l’éducation nationale, il n’avait pas décelé la nocivité potentielle de cet « épais document de plusieurs centaines de pages » déposé à la place de chaque ministre lors du débat en Conseil et que, à l’assemblée, où « les députés n’y comprenaient goutte », il avait comme les autres députés socialistes, émis un vote positif par loyauté au gouvernement de gauche qui avait négocié le traité.
Quoiqu’il en soit il s’est rattrapé par la suite : non au traité Maastricht, non au projet de constitution européenne. Pour autant sa position n’est nullement sectaire. Ainsi explique-t-il que, bien qu’ayant été initialement hostile à la monnaie unique, il ne suggère pas aujourd’hui de sortir  de l’Euro. Du moins n’envisage-t-il cette issue que comme un plan B, pour le cas où la politique qu’il préconise se révélerait impossible à conduire.
Telle que la voit Jean-Pierre Chévènement, l’Europe doit être une « Europe européenne ». L’expression vient paraît-il du général de Gaulle. Elle signifie une Europe autonome, sachant échapper en tant que de besoin aux contraintes de la mondialisation libérale, une Europe capable d’exister par elle même dans le monde du 21ème siècle. Je  suis personnellement d’autant plus réceptif à cette idée que j’avais signé moi-même, dans Le Monde daté du 4 octobre 1990,  une tribune intitulée « Pour une Europe européenne » dans laquelle, à la veille d’un congrès du centre européen des entreprises publiques, que  je présidais alors, je plaidais pour une construction européenne s’appuyant sur le modèle d’économie mixte qui prévalait encore dans la plupart de nos pays.
Cette Europe européenne ne saurait être fédérale, mais elle est bien  politique. Certains peuvent s’évertuer à « faire voler les coquecigrues » et à prendre  la commission  pour un gouvernement européen . Pour sa part Chevènement constate que le Président Obama, au plus fort de la crise monétaire, ne téléphone ni à Barroso, président de la commission européenne, ni à Van Rompuy qui occupe depuis peu le nouveau poste de président dit « stable » de l’union, ni à Zapatero, qui exerce alors l’habituelle présidence tournante des délibérations du semestre. C’est à Angela Merkel et à Nicolas Sarkozy qu’il s’adresse, c’est à dire aux dirigeants des deux pays qui, à la charnière de l’Europe nordique et de l’Europe méditerranéenne ont, dans le processus de décision communautaire, une responsabilité particulière.

L’Allemagne et la France
Homme des marches de l’est, Chevènement a toujours investi sur le thème des rapports avec notre voisin d’outre-Rhin. Il lui a consacré un livre ( France Allemagne Parlons franc, Plon 1996) et il y revient dans celui-ci avec  deux chapitres intitulés respectivement « 1990-2010 le retour de l’Allemagne » et « 2010-2040  France-Allemagne : sortir de l’histoire ou la continuer ensemble ». Pour lui, l’Europe européenne ne pourra s’affirmer sans une convergence profonde entre la France et  l’Allemagne, sur le terrain de la politique étrangère comme sur celui de la politique économique. Mais il n’est pas acquis que ce résultat puisse être atteint, et c’est sans doute la plus grande des incertitudes de la démarche qu’il  propose . Je ne crois pas dénaturer sa pensée en disant que pour lui c’est l’Allemagne qui tient la clé ( p 227) mais c’est la France qui, dans un rapport non de force mais de conviction (p 229), doit l’aider à l’ introduire dans les bonnes serrures, celles du desserrement des critères de Maastricht et du renoncement à l’euro fort.
Car c’est à la France qu’il revient, selon le titre du dernier chapitre, d’ organiser la « résilience » de l’Europe. Résilience au sens de capacité de survie, fait de rebondir ( on peut au passage s’étonner de cet emprunt à la langue anglaise, inhabituel chez notre auteur ). Elle passe par la reconnaissance d’un  intérêt général européen, l’instauration d’un partenariat stratégique avec la Russie et les pays de la Méditerrannée, un changement des statuts de la Banque centrale européenne pour y introduire  l’objectif de la croissance et de l’emploi, une politique commerciale extérieure inspirée de celle des Etat Unis, une grande politique industrielle européenne.
L’énumération est impressionnante. A-t-elle des chances de se  réaliser?

A défaut ce pourrait être le plan B : mieux vaudrait alors, selon une terminologie utilisée par l’économiste Alain Cotta, « sortir de l’Euro que mourir à petit feu ».  « Nous n’en sommes pas là », nous dit l’auteur. "Mais la France, à moins de se laisser réduire à n’être plus dans l’union européenne qu’un parc d’attraction,… doit se ménager deux fers au feu. Elle sera ainsi mieux armée face au monde de demain".
Du socialisme à la République
Depuis le CERES (centre d’étude, de recherche et d’éducation socialiste), devenu en 1986 « Socialisme et République », jusqu’à l’actuel MRC (mouvement républicain et citoyen) la succession des  noms adoptés par les formations qui soutiennent l’action de Jean Pierre Chévènement reflète une évolution de sa pensée que ce livre confirme s’il en était besoin.
Le socialisme y est évoqué en quelques pages, sous un  titre dépourvu d’équivoque : « ce qui reste du socialisme : une méthode ». Chevènement adhère à la critique que Marx a fait du capitalisme. Mais il souligne aussitôt ce qu’il appelle les « trous noirs » de la pensée socialiste :  dans sa réflexion sur la nation, dans son rapport à l’Etat, dans son approche des cultures non européennes. Et il termine en nous disant que « pour la gauche, le socialisme démocratique est un héritage. Il n’est pas vraiment une boussole ».
La République, en revanche, est plus que jamais au centre de la pensée de notre auteur. C’est l’expression de la nation, le cadre du vivre ensemble de notre peuple, la marque de fabrique de notre pays, le modèle qu’il peut proposer à l’Europe et au monde.
La République transcende l’opposition entre la droite et la  gauche. Chevènement est incontestablement un homme de gauche. Mais, et je le rejoins largement sur ce point, il estime que la gauche doit se réapproprier ce qu’il appelle les « valeurs de transmission » communes à l’ensemble de notre société et que lui a léguées la troisième République : le respect de la connaissance, le goût du travail bien fait, le civisme et pourquoi pas la morale.

Le projet qui se dégage du livre n’est donc pas celui d’un visionnaire qui prétendrait transformer la société. Ce n’en est pas moins un projet ambitieux,  celui d’un homme de progrès, réaliste mais volontaire, qui entend  remettre la politique au poste de commande, changer les règles du jeu  de la compétitivité mondiale, revitaliser et promouvoir le modèle républicain et  permettre par là à notre pays de revenir dans l’histoire.
La mise en œuvre de ce projet passe par les orientations nouvelles à donner à l’Europe, plus haut évoquées. Elle passe aussi par des priorités clairement reconnues en France pour  des actions publiques essentielles.
Jean Pierre Chevènement met en avant deux grands projets qui lui sont chers : la politique  industrielle ; l’éducation et la recherche. Ce sont deux domaines dans lesquels il s’est investi, après  Colbert et  Jules Ferry. Et il est vrai que ces deux domaines sont essentiels pour qui comme lui veut restaurer la place de la France dans la compétition mondiale.

A ce point le livre laisse cependant un peu le lecteur sur sa faim. On aurait aimé un prolongement de la réflexion sur d’autres domaines possibles d’intervention, d’autres approches politiques, d’autres moyens d’action éventuels. L’écologie est sèchement renvoyée dans ses cordes (« quel accord politique stable peut-on concevoir entre deux philosophies aussi profondément désaccordées que la pensée des lumières où le PS plongeait ses racines et le culte animiste de la nature, propre à beaucoup de verts ? » (p174). L’autogestion, à laquelle Chévènement consacrait toute une partie de l’un de ses premiers ouvrages ( « Le vieux, la crise, le neuf », Flammarion 1974), n’est plus évoquée qu’au passage, et sous une forme interrogative (p273). La voie d’un développement alternatif, autour des opérateurs du service public et de l’économie sociale, n’est pas explorée.
Ces réserves ne doivent pas nous faire oublier l’essentiel. Nous sommes en présence d’une  pensée cohérente, celle d’un homme qui s’exprime sur le fond des problèmes, qui sait ce dont il parle, et qui a toujours agi conformément à ce qu’il dit. La lecture de son livre est revigorante au moment où s’emballe la concurrence des postures entre candidats potentiels à la prochaine élection présidentielle.

Auteur:
Jean-Pierre Chevènement est l’un des artisans décisifs du Congrès d’Épinay (1971) qui a refondé le Parti socialiste, il est l’auteur des programmes de ce parti en 1972 et 1979 et l’un des négociateurs du Programme commun de la gauche (1972). Plusieurs fois ministre de 1981 à 2000 (Recherche, Industrie, Éducation nationale, Défense, Intérieur), il défend depuis longtemps l’idée d’une « autre politique ». Président d’honneur du MRC, sénateur du Territoire de Belfort, il est aussi vice-président de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.


Avis:
** Jean-Pierre Chevènement a une image d'un certain "passé" de la politique et de cette manière n'est peut-être pas complétement pris au sérieux aujourd'hui. Cependant la qualité de son questionnement vaut véritable le coup d'être lue. On peut ensuite bien sûr discuter des réponses apportées, mais sincérement si tous les politiques écrivaient aujourd'hui des livres avec ce niveau de réflexion, peut-être pourrions-nous dire avec plus de certitudes que "Non la France n'est pas finie!".
** Le résumé de Jacques Fournier ci-dessus retrace assez fidèlement chacune des sections du livre. Tout d'abord la première évoque l'action de la gauche à la fin du dernier siècle et est vraiment très intéressante surtout pour ceux (comme moi) étant trop jeune à l'époque pour comprendre ce qui se jouait à ce moment là. JPC est quand même assez dur avec Mitterand à qui il reproche d'avoir accéléré l'Europe "de cette manière là". La deuxième partie explique le néolibéralisme, partie qui rentranscrit notamment les idées du dernier livre de Joseph Stiglitz. Enfin, la dernière partie sur le grand pari de la France du XXIème siècle est la plus intéressante du livre même si incomplète d'une certaine manière car certains thèmes n'y sont pas abordés.
** L'idée que je préfère de ce livre est sa vision de l'Europe et de l'Euro qui est, aujourd'hui, on ne peut plus actuel ! En effet, l'Allemagne détient les clés et sa vision de l'Euro fort est en train de tuer l'Euro (et une partie de l'Europe) à petit feu. Mais ils ne sont bien sûr pas les seuls responsables et la manière dont a été construite l'Europe est incomplète ! Comment fait survivre une Europe fédérale avec différents peuples sans vision et surtout organisation politique commune ...

dimanche 17 juillet 2011

BLINK - Malcolm Gladwell (2005)

Résumé de l'éditeur:
["Blink" traduit en français donne "La force de l'intuition" .... en traduction littérale "Cligner des yeux"]
Pourquoi certaines personnes font-elles des choix judicieux alors que d'autres s'enfoncent toujours dans la mauvaise direction ? Pourquoi les meilleures décisions ne sont pas forcément prises par ceux qui ont le plus gros QI ou possèdent le plus d'informations ? Malcolm Gladwell décortique le processus de la prise de décision et affirme que l'intuition, bien employée, est meilleure conseillère que de longues études ou réflexions : elle nous permet, en deux secondes, d'évaluer au plus juste l'essentiel des situations.
C'est l'art -inconscient- du " balayage superficiel ". On sait, sans savoir pourquoi. Pour revaloriser ce formidable outil, Gladwell nous entraîne dans une enquête fouillée et passionnante. La Force de l'intuition est un état des lieux de la recherche en neuro-sciences et biologie des émotions. C'est aussi un livre émaillé d'histoires, de rencontres, de tests. Un texte provocateur et divertissant, qui devrait changer à jamais votre manière de penser et d'agir.
Livre-événement, livre-phénomène, vendu à 1,5 millions d'exemplaires aux Etats-Unis et traduit dans trente-cinq pays, La Force de l'intuition a été en tête des listes des meilleures ventes dès sa parution en février 2005.


Résumé tiré du web:
Le jour où Malcolm Gladwell, journaliste au New Yorker, a décidé de changer radicalement de style de coiffure en passant de sa coupe « sage » à un style afro, il s’est aperçu que les gens autour de lui se comportaient différemment envers lui : il se faisait arrêter très régulièrement par la police, dans les aéroports il devenait quasi systématiquement la cible des fouilles, etc. Ce changement de comportement soudain l’a poussé à se pencher sur le mécanisme inconscient par lequel nous formons nos impressions.
Qu’elles soient bonnes ou mauvaises, comment prenons-nous des décisions et pourquoi quelques personnes sont-elles meilleures que d’autres pour prendre les bonnes décisions ? C’est pour essayer de répondre à cette question que Malcolm Gladwell mène une enquête fouillée sur l’art de bien utiliser ce qu’il nomme l’intelligence instantanée. Celle qui permet, selon lui, de prendre des décisions sur des sujets simples ou très complexes quasi instantanément, dans les 2 premières secondes, en faisant l’impasse sur les statistiques, les études, les réflexions, etc. Du moins en apparence, car il nous explique que nous effectuons inconsciemment ce qu’il appelle du « thin slicing » (découpage fin) de l’information pour en extraire un certain nombre de structures élémentaires (les paterns) que l’on va comparer à notre expérience acquise et en déduire un schéma global de réponse.


Dans Blink, il nous dépeint tour à tour l’histoire de cet expert en antiquités grecques qui reconnaît instantanément une excellente copie d’une statue de marbre, alors que le musée Getty avait passé des mois à tenter de l’authentifier. Ou ce psychologue de capable de repérer en quelques secondes les couples qui ne tarderont pas à se séparer. Ou encore ce chef d’orchestre qui repère le musicien qui lui faut en à peine trois secondes après le début d’une audition.
En parallèle, il nous dresse une liste de décisions prises sur l’instant dont les conséquences seront complètement néfastes ! Tout simplement parce que ceux qui les ont prises n’avaient pas l’expérience nécessaire pour le faire… nous rappelant que mal utilisé, les décisions instantanées n’ont pas que du bon !


Au terme de son livre, Malcolm Gladwell conclue en nous disant que :
  • Dans notre monde saturé d’informations, en savoir moins peut souvent contribuer à une meilleure décision. Surtout que la clé pour prendre une bonne décision n’est pas l’accumulation des connaissances, mais leur compréhension.
  • Une personne avec de l’expérience et une bonne formation dans un domaine spécifique finit par exceller dans l'art de prendre des décisions instantanées et obtient des résultats proches de 100%.
Malcolm Gladwell, provocateur dans l’âme, multiplie tout au long de son livre les exemples et contre-exemples, les tests et les rencontres pour décortiquer le processus de cette « intelligence instantanée ». Mais l’absence totale de bases scientifiques à ses affirmations lui vaut tout de même d’être fortement décrié par certains, au point qu’un livre a été écrit pour le parodier : « Blank, the power of not actually thinking at all ».

Avis:
** De nouveau génial ! Malcolm utilise un nombre incroyable d'exemples pour démontrer le fonctionnement et le pouvoir de nos intuitions.
** Cet enchaînement d'exemples donne un vrai rythme au livre et nous le fait littéralement "dévorer".
** Une nouvelle fois, ne croyez pas que ce livre est une recette pour se construire les meilleures intuitions du monde (cf. les critiques), cependant il donne véritablement des recettes pour mieux les comprendre et les maîtriser.
** Une critique peut-être à formuler en comparaison de "The Tipping Point" ou "Outliers" est le côté un peu moins structuré et organisé de la pensée de Malcolm dans ce livre qui laisse les anecdotes s'enchaîner avec parfois un peu moins de liant qu'habituellement.

OUTLIERS - Malcolm Gladwell (2008)

Résumé de l'éditeur:
Outliers, littéralement « hors-norme », est un livre qui détruit certaines de nos croyances populaires au sujet du succès. Les gens qui réussissent sont souvent admirés pour leur talent et leur persévérance mais pourtant ces 2 éléments suffisent-ils à expliquer la réussite ?
De temps à autre, certains soulignent la chance qu’ils ont eu de se trouver au bon endroit, au bon moment mais pour autant est-ce tout ce qui contribue au succès ?
Et si quelques phénomènes simples mais non-observés étaient des ingrédients décisifs dans la réussite de ceux que l’on nous montre comme modèle ? C’est la thèse de ce livre qui explique, au travers de plusieurs exemples, pourquoi le succès n’est pas une recette dont nous avons forcément les ingrédients.

Résumé tiré du web:
Etre un bon joueur de hockey est lié à un facteur inattendu…
Le livre commence par une démonstration simple dans le domaine du hockey sur glace et de la manière dont sont sélectionnés les joueurs. Un jour, parfaitement par hasard, quelqu’un remarque que les joueurs juniors de niveau A, les meilleurs des meilleurs, ont tous un point commun : ils sont nés durant les 3 premiers mois de l’année. L’explication est simple : la sélection des joueurs se termine au premier janvier et par conséquent, les enfants qui sont nés en début d’année sont largement avantagés par rapport à ceux qui sont nés à la fin de l’année.
Même si le talent de ces joueurs n’est pas en cause, le seul fait qu’ils soient nés au bon moment par rapport à la période de sélection leur donne un avantage considérable car à 10 ou 12 ans, avoir presque 12 mois d’avance sur les autres élèves est déterminant au niveau physique et en terme d’expérience acquise.
Le phénomène a même été confirmé en Belgique où la date limite de sélection est passée de août à janvier et où au bout de quelques années ont pouvait faire le même constat.
Ces mêmes joueurs que l’on viendra nous présenter comme étant des génies dans leur domaine auront en fait bénéficié d’un concours de circonstance…
Le truc, c’est que ça n’enlève rien à leur talent mais par contre cela écarte tous les autres qui, à entrainement équivalent, auraient atteint un niveau similaire !
Les musiciens ne deviennent pas bon par hasard...
L’autre exemple pour illustrer que les gens hors-norme ne le sont pas forcément par hasard, c’est celui de l’académie de musique de Berlin. En 1990, une expérience menée par un psychologue et des professeurs de musique commence par la création de 3 groupes d’élèves. Dans le premier, les meilleurs élèves furent regroupés. Dans le second, ceux qui étaient considérés comme étant bons et dans le troisième groupe ceux qui n’avaient pas l’intention d’en faire leur profession et qui semblaient être attirés par le fait de devenir professeur.
Tous ces joueurs ont commencé à jouer à l’âge de 5 ans. A cet âge, ils jouent pendant 2 ou 3 heures chaque semaine mais vers l’âge de 8 ans, des différences notables commencent à apparaitre. Ceux qui étaient dans le groupe 1 jouent plus que les autres et vers l’âge de 20 ans ils pratiquent leur instrument pendant 30 heures chaque semaine soit environ 10 000 heures de pratique contre 8 000 heures pour le groupe 2 et 4 000 heures pour le groupe 3.
Des ratios similaires ont été observés parmi un groupe de violonistes : 10 000 heures est un seuil qui semble garantir un niveau exceptionnel. Cela rejoint le dicton « Il n’y a pas d’échec mais simplement un abandon ».
Les Beatles ont atteint un niveau qui leur a permis de conquérir le monde en ayant une pratique intensive dans les bars de Hamburg en jouant des nuits entières de 7 à 9 heures et cumulant plus de 10 000 heures avant de devenir célèbres.
Pire, ce ne sont pas les seuls artistes ou sportifs qui répondent à ce qui semble être une règle : le business aussi.
Les exemples qui suivent vous parleront : Bill Gates, Steve Jobs, Bill Joy (Sun) et d’autres ont tous eu l’opportunité de pratiquer intensivement leur talent avant d’en faire une véritable force.
Bill Gates a eu accès à l’un des rares ordinateurs grâce à une série de conditions improbables sans quoi il n’aurait jamais pu développer son expertise. Tous ont du talent mais ce sont surtout les conditions externes qui ont permis l’accomplissement du projet.
Plus loin, le livre compare les génies entre eux. Il montre que dans ce domaine, avoir un QI exceptionnel ne suffit pas pour réussir sa vie. Dans une étude qui a suivi des génies pendant plusieurs années, la conclusion est frappante : ceux qui ont réussi ont bénéficié d’un autre avantage que le QI. Sur l’ensemble des personnes suivies, seul un nombre restreint a exploité son talent. La plupart vit « comme monsieur tout le monde » et l’autre partie n’a rien fait de particulier. Le facteur critique dans ce cas, c’est le niveau social.
Les personnes surdouées qui viennent d’un milieu aisé ont eu les conditions qui ont permis la réalisation de leur talent et parmi ces conditions, le facteur important c’est le fait d’avoir une certaine assurance. Les personnes issues des milieux modestes ont tendance à ne pas remettre en cause l’autorité et à se méfier de tout le monde alors que les personnes issues des milieux aisées savent demander et obtenir ce qu’elles veulent des autres.


Nous aimons les belles histoires…

Quoi de plus courant qu’une success story qui raconte « Fils d’une famille déchirée par l’alcool, ce n’est qu’après avoir trainé dans la rue qu’un producteur remarque son talent. Dès son premier rôle, il explose l’écran et sa carrière s’envole… »
Déjà vu non ?
Ou encore : « Descendant d’une famille modeste d’immigrés, cette femme parti de rien a monté un empire en quelques années… »
Le truc, c’est que nous sommes friands d’histoires où, malgré les chances réduites, le personnage remporte la victoire. Vous vous souvenez de Star Wars ? Rien de plus universel que cette histoire pourtant là aussi il y avait un petit détail qui donnait un avantage considérable au jeune Luke : l’hérédité. (ce n’est pas dans le livre mais je trouve que ça aurait se place!)
Les journalistes ne creusent pas souvent ce qui se cache derrière les success story et je vous recommande d‘être méfiant à la lecture de ces réussites faciles : oui il est possible de réussir, non ce n’est certainement pas comme le raconte un pauvre article que cela s’est fait.
Prenez les articles de magazine comme Capital et c’est à vous déprimer car tout semble facile pour ceux qui figurent sur du papier glacé.
J’aime bien les biographies pour ça. Elles retranscrivent souvent des détails clés du parcours de ces personnes. Celle d’Arnold Schwarzenegger m’avait vraiment éclairé sur des points importants de sa vie que ne peut présenter un article.

Qu’est-ce qu’il y a avec les avocats juifs à New York ?

Le livre continue ensuite et examine l’immigration juive à New York dans les années 1900. Il montre brillamment  comment les premières générations mettent en oeuvre ce qu’elles savent déjà faire, principalement dans le textile, et développe des business transformant New York en première ville productrice de vêtements.
Ensuite, la génération suivante évolue et bénéficie des conditions mises en place par leurs parents pour faire des études et ainsi l’on retrouve une flopée d’avocats et de médecin.
Il souligne aussi que le fait d’être Juif a joué un rôle déterminant dans le fait de monter des cabinets d’avocats florissants : en étant exclus des cabinets traditionnels qui fonctionnaient de manière fermé, les nouveaux avocats ne traitaient que des dossiers déconsidérés comme le droit des affaires.
L’importance d’être né au bon moment était critique car lorsque le droit des affaires devint une discipline critique pour les entreprises dans les années 70, ces avocats avaient plus de 20 ans de pratiques et étaient les spécialistes incontournables du domaine.
Dans les chapitres suivants on balaie 2 sujets également surprenants.
Le premier, c’est la vie d’un village reculé des USA qui possède un taux de mortalité par balle très important. Ce qui est marrant, c’est que tous les autres types d’agressions sont plus faibles que la moyenne nationale mais qu’étrangement cet indicateur est hors-norme.
Harlan est situé dans le Kentucky et son histoire explique bien des choses. Le village est crée en 1819 par une famille venue du nord des îles Britanniques et peu à peu, plusieurs familles viennent s’installer à cet endroit. Encore aujourd’hui, c’est une ville dont les habitants possèdent un accent fort reconnaissable et qui accordent une importance première à l’honneur.
Ces origines expliquent l’attitude des gens au travers de l’histoire de ce village. Elles expliquent pourquoi il y a eu autant de morts par balle et pourquoi quelqu’un qui est humilié doit absolument laver son honneur. Au procès d’une personne qui avait descendu quelqu’un qui se moquait de lui depuis plusieurs mois seul un jury le considérait comme coupable « Il ne serait plus vraiment un homme s’il n’avait pas tué ce gars ».

L’histoire surprenante des crash aériens...

Le second sujet est aussi étonnant : les crash aériens. A un moment donné de l’histoire de l’aviation, la nationalité n’était pas vraiment prise en compte dans les relations pilote/tour de contrôle et la lecture des derniers échanges avant certains crash étaient hallucinants.
Les discussions mettent en avant que les origines ethniques des membres de l’équipe expliquaient de nombreux crash à cause d’un élément : la relation au pouvoir.
On retrouve des histoires où des contrôleurs aériens de New York (donc supposés être des citadins acerbes) donnent des instructions à un pilote colombien pour attendre avant d’atterrir qui, malgré le fait qu’il n’ai plus de carburant, accepte sans broncher et fini par se crasher à cause de ça.
On trouve des situations où c’est le pilote qui agit en dépit du bon sens et que le co-pilote ne dit rien de direct pour changer les choses : il ne donne que des indications faibles qui sont en fait, dans son niveau de langage, plutôt familier.
Un classement des pays qui possèdent une plus ou moins forte relation au pouvoir (la distance hiérarchique de Hofstede) a permis de prendre en compte de facteur. En fonction du pays d’origine de l’équipe, ses membres acceptent avec plus ou moins de soumission les inégalités du moment.
Vous serez peut-être surpris d’apprendre que d’après ce classement, la France est un pays qui possède un indice de 70 signifiant que les personnes subissant le pouvoir sont plus à même d’accepter les inégalités et les signes forts de ses dirigeants… (l’exemple typique contraire étant les pays suédois où les ministres prennent le métro).

Suite et fin...

La suite du livre est tout aussi intéressante. L’auteur y analyse sa propre histoire au travers du traitement de la couleur de peau en Jamaïque et de l’ensemble des circonstances qui ont permis à sa mère de faire des études malgré le fait que souvent les noirs étaient purement et simplement des esclaves à cette époque.
C’est un excellent livre qui rappelle simplement une chose : les plus grands succès ne reposent pas uniquement sur le talent. Une partie vient du timing et quelques réussites le reconnaissent « J’ai eu de la chance » et une autre partie est liée à la mise en place de conditions favorables.
Sans pour autant alimenter le fatalisme en nous, je pense que ce livre doit imprimer le fait qu’il faut composer avec ce que l’on a et qui l’on est. Parfois, ce sera le chemin vers un succès visible et retentissant et parfois la réussite sera modeste mais dans le fond peu importe. Ce qui compte, c’est d’avoir mis en oeuvre son talent et d’avoir avancé.
Ne nous cachons pas derrière des excuses comme « si j’avais été né 10 ans plus tôt », « si j’avais reçu ton éducation »… Faites avec ce que vous avez :)

Auteur:
Malcolm Gladwell est un journaliste et écrivain. Il est né en Angleterre, sa famille a émigré au Canada en 1969 et il vit aujourd'hui aux États-Unis.
Son père était professeur de génie civil à l' Université de Waterloo en Ontario, au Canada, et sa mère, d'origine jamaïcaine, est psychothérapeute.
Il a obtenu un diplôme en histoire à l' Université de Toronto,Trinity College, en 1984.
De 1987 à 1996, Malcolm Gladwell a travaillé au Washington Post d'abord à titre de journaliste scientifique, puis comme correspondant en chef du bureau de New York.
Depuis 1996, il fait partie de l'équipe de rédaction du magazine The New Yorker.


 

Avis:
** Le premier "cinq étoiles" de ce blog !! Pour l'originalité, l'intelligence de cet auteur surprenant !
** Le succès est ici de manière brillante expliqué et décortiqué avec toute une série d'exemples et de démonstrations à l'appui (pragmatisme à l'américaine).
** Ne vous méprenez pas, ce n'est pas du tout un livre de recettes sur comment réussir dans la vie, mais un livre qui explique les origines essentielles de chaque succès: les opportunités (opportunity) que l'on a dans la vie (ou pas) et l'héridité (legacy) qui nous donne (ou non) des avantages qui feront la différence. Pour le reste tout dépend de nous !

POUR UNE REVOLUTION FISCALE (2011)

Résumé:
Pour une révolution fiscale - Un impôt sur le revenu pour le XXIème siècle
La fiscalité française est asphyxiée par sa complexité, son manque de transparence et l’accumulation de privilèges pour une minorité de contribuables ultra-riches. Mais on en reste trop souvent, en la matière, à des énoncés aussi vagues que stériles.
Ce livre innove en proposant une critique d’ensemble du système fiscal français. Il démontre scientifiquement, pour la première fois, le caractère régressif de l’impôt dans notre pays (ce qui signifie que, tous prélèvements confondus, les taux d’imposition sont plus élevés pour les ménages les plus modestes et s’abaissent pour les plus riches). Pour cette raison, il fera date.
Mais cette analyse au scalpel ne se contente pas de mettre au jour l’injustice du système. Elle plaide pour une révolution fiscale, chiffrée et opérationnelle, fondée sur trois principes : équité, progressivité réelle, démocratie. Ce livre contribue de manière décisive à l’édification d’une nouvelle critique sociale et se pose au centre du débat politique pour les années à venir.
Pour la première fois dans le monde, un site Internet permet à chacun d’évaluer les propositions des auteurs et de concevoir une réforme alternative: http://www.revolution-fiscale.fr/simuler/.

Auteurs:
Camille Landais
est chercheur au Stanford Institute for Economic Policy Research. Il est notamment l'auteur de "Les hauts revenus en France, 1998-2007: une explosion des inégalités?" (Ecole d'économie de Paris, 2008).
Thomas Piketty
est professeur à l'Ecole d'économie de Paris et directeur d'études à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Il est notamment l'auteur de "Les hauts revenus en France au 20ème siècle - Inégalités et redistributions, 1901-1998" (Grasset, 2001) et de "Top Incomes - A Global Perspective" (avec A.B. Atkinson, Oxford University Press, 2010).
Emmanuel Saez
est professeur à l'Université Berkeley. Ses travaux sur la fiscalité optimale et la répartition des revenus lui ont valu la Clark Medal décernée par l’American Economic Association en 2009. Il est notamment l'auteur de "Income Inequality in the United States, 1913-1998" (avec T. Piketty, Quarterly Journal of Economics, 2003).

Avis:
 
** Un livre d'économie et de finance avant tout qui résume les recherches faites par les 3 auteurs sur le sujet de la fiscalité en France.
** Malgré la certaine technicité du livre (nécessaire au final pour bien comprendre le sujet), les auteurs arrivent à se mettre au niveau de non-experts en économie et expliquer sans trop de vocabulaire spécifique la fiscalité en France.
** Les deux premiers commentaires étant principalement pour la forme, passons maintenant au fond: révolutionnaire (comme le titre) !! En effet, ils arrivent à expliquer et démontrer que la fiscalité globale en France (TVA, cotisations sociales, CSG, IRPP, ...) est à une moyenne de 47% environ et surtout que ce % décroit pour les revenus les plus riches (c'est à dire à partir des 0,01% ou même 0,001% des plus riches pour atteindre seulement 35% environ !!).
** Ce livre n'est pourtant pas de gauche (ni même de droite) et se veut rester le plus factuel possible. Il ne s'en tient pas à démontrer que l'impôt est finalement régressif, mais va ensuite plus loin et propose toute une série d'actions concrètes pour l'améliorer.
** En premier lieu, il faudrait le SIMPLIFIER. Aujourd'hui le principal problème est qu'il est devenu illisible (notamment avec toutes ses niches fiscales) et qu'il donne donc l'impression à presque tout le monde qu'il n'est pas juste ... La première idée pour le simplifier serait de passer l'IRPP au prélévement à la source (c'est à dire étendre d'une certaine manière la CSG actuelle).
** Ensuite il faudrait rendre l'impôt de nouveau PROGRESSIF jusqu'au plus riches et pour ceci il faudrait principalement imposer d'une meilleure manière les revenus du capital qui passent aujourd'hui pour la plupart à travers les mailles du filet ! Pour cette nouvelle imposition, les auteurs proposent plusieurs niveaux d'imposition en fonction des idéologies politiques (gauche, centre, droite).
** En marge de cela les auteurs donnent également quelques autres axes d'amélioration tel que le fait de passer en taux effectif directement applicable à la totalité des revenus (comme 20% pour tous ses revenus), au lieu de le faire au taux marginal comme aujourd'hui (5% pour les premiers 10 000€, 10% pour les suivants, etc ...) ou encore de ne plus imposer au niveau de la famille mais des individus.
** En conclusion, ce livre (ou essai) est révolutionnaire dans la mesure où il montre véritablement la non efficacité et illisibilité de notre système actuel. Il faut donc le réformer afin de le rendre principalement plus juste !
** Pour ceux qui voudraient obtenir encore plus d'informations sur ce sujet très d'actualité, les auteurs mettent également un site à la disposition des intéréssés: http://www.revolution-fiscale.fr/. Ce site reprend les principales idées du livre et propose même des simulations des différentes réformes fiscales possibles (si avec tout ça les pouvoirs politiques ne réforment pas !).

LA FAVORITE - Yasushi Inoue (1965)

Résumé:
L'histoire des tragiques amours de l'empereur Siuan-tsong et de Yang Kouei-fei est aussi célèbre en Chine que celle de Tristan et Yseult en Occident.
Cet empereur de la dynastie T'ang a réellement existé : il régna sur la Chine de 712 à 756, accompagné seize ans durant par la " Précieuse épouse " Yang Kouei-fei. Dans ce livre, qui se lit comme un roman d'aventures, c'est la Chine médiévale qui s'anime avec le talent d'Inoue, sur la toile de fond de la vie luxueuse et insouciante du palais et des intrigues autour de ministres sanguinaires, de généraux ambitieux, d'eunuques intrigants ou de concubines habiles.
En arrière-plan des enjeux du pouvoir, les incursions barbares aux frontières cernent la Cour d'un danger toujours pressant qui se rapproche inexorablement jusqu'au dramatique dénouement. Roman historique donc, où l'on reconnaît, comme dans les autres œuvres d'Inoue, un constant souci d'exactitude et de vérité qui nous fait entrer de plain pied dans un huitième siècle chinois d'une étonnante actualité


Avis: 
** Beau tableau de la Chine de l'époque, comme dans toute son oeuvre Yasushi Inoue arrive à nous transporter dans l'histoire.
** Cependant, ce roman reste assez lent, avec peu d'actions et une intrigue qui même si elle sert de fil de conducteur ne débouche finalement sur rien de transcendant.